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4 décembre 2014 4 04 /12 /décembre /2014 12:10

 

SEISME DANS LE CHAMP SONORE – 1

CHEMIN A TRAVERS TABLEAUX

CHEMIN A TRAVERS TABLEAUX

Chemin à travers tableaux
nouveau livre de :
Victor CUPSA
Lettropolis le présente

dans une luxueuse version papier
couverture cartonnée rembordée
Format A4, 288 pages, 55 reproductions en couleurs, 16 dessins.
Un cadeau idéal pour Noël au prix exceptionnel de 35 € (+port)
Il sera très bientôt accessible sur Lettropolis.

En attendant, voici le premier d’une série de 4 articles de Victor Cupsa. L’auteur, fort de sa longue expérience artistique, porte son regard et ses réflexions sur quelques dérives inattendues de notre société confrontée à une certaine idée du « modernisme ».

Laissons la parole à Victor CUPSA !

SEISME DANS LE CHAMP SONORE

1/ CAUSES ET EFFETS                                         

 En décembre 2012, une conférence tenue au Collège de France fit beaucoup de bruit à l’intérieur du microcosme culturel (surtout dans la sphère musicale) de Paris ; il s’agissait d’une question qu’un compositeur et pianiste se pose et pose aux autres : « L’atonalisme. Et après ? ». Sa conférence, avec les illustrations musicales adéquates peut être vue, écoutée, et même téléchargée sur internet : http://www.college-de-france.fr/site/karol-beffa/seminar-2012-12-20-15h00.htm

Elle a déclenché une tempête. Véhémente, passionnée, au point qu’un article dans le Nouvel Observateur titrait : « Musique : c’est la guerre au Collège de France. »

Jérôme Ducros, l’invité de Karol Beffa, pianistes réputés et compositeurs tous deux, le premier conférencier aussi, auteur de l’épine irritative lancée dans le monde des sons, (ce n’est pas étonnant qu’elle ait fait tant de bruit), devint la cible d’une multitude d’attaques dont la violence, l’intolérance inquisitoriale m’ont fait frémir. Curée haletante, haineuse, violence peu commune de la part de plusieurs musiciens, musicologues ou « mêlés à l’affaire » qui ne pensent pas comme lui. Ce qui n’est pas seulement leur droit, mais leur devoir : défendre ce en quoi ils croient. Mais d’ici à l’étripage il y a de l’espace. Sûrs de leur fait, ils considèrent sans doute que la Némésis de cette histoire leur accordera une encore plus grande, encore plus juste et bien méritée suprématie.

Des noms connus, respectés… Pascal Dusapin, Benoît Duteurtre écrivent, Pierre Boulez s’implique aussi, Philippe Manoury répond, Emmanuel Dupuy prend position, un chapelet de noms plus ou moins connus, anathèmes, éliminations et interdictions souhaitées, pléthore d’épithètes, invectives, injures, allant jusqu’à sentir dans l’air de Paris l’odeur âcre de la « bête immonde », « du temps des heures sombres des années trente ». La fièvre de la formule ronflante et efficace s’empare de certains participants qui en arrivent à parler du IIIe Reich, de révisionnisme, de négationnisme, de réduction ad Hitlerum, d’indignité et du déshonneur fait au Collège de France.

Interloqué, j’avais l’impression qu’ils parlaient d’une autre conférence que celle que j’avais entendue. Je l’ai réécoutée et je n’ai rien trouvé qui puisse justifier un tel déchaînement et perte de contrôle. Une opinion émise, une controverse, c’est tout, même pas scandaleuse. Je vivais encore dans le leurre qui accorde à tous le droit d’exprimer un doute, je croyais dans le principe que tout le monde a, (ou devrait avoir) le droit d’émettre une opinion, d’affirmer ce en quoi il croit.

Il m’a semblé même, trouver dans cette conférence quelques traces d’humour.

De quoi donc ont-ils peur pour déclencher pareil déferlement d’intolérance et de haine ? Car c’est la première hypothèse qui vient à l’esprit.

Une seule chose est sûre : la question dérange, énerve terriblement.

À tête reposée, je me suis fait la réflexion que la plupart des participants aux joutes dont je prenais connaissance devaient être bien jeunes pour recourir à des comparaisons hors de propos avec des événements, organismes et organisations responsables de la mauvaise célébrité des institutions citées et du régime incriminé. Ils ne les ont certainement pas connus eux-mêmes, donc ils ne savent pas très bien ce dont ils parlent ; tout comme leurs pères réels ou spirituels, immatures, inconscients, ignorants, écrivaient sur les murs de Paris en 1968 : C.R.S.= S.S. Pourquoi pas Totenkopf (formation d’élite des S.S.) tant qu’on y est ? Pourquoi ne l’ont-ils pas employé ? Un crâne sur deux os croisés, leur symbole, assurerait un effet autrement plus vibrant dans l’espace destiné à une discussion concernant la musique.

Dans le silence de l’atelier, j’ai failli rétorquer : K.G.B. vous-mêmes ! Mais je me suis retenu ! C’était en 2013.

Pourquoi revenir sur le sujet ? Tout simplement parce que cette controverse a eu lieu. Elle a existé, maligne, hautement représentative de l’état délabré de l’esprit de tolérance, de l’atmosphère délétère régnant dans la Cité. Même si elle semble en apparence terminée, le problème soulevé reste ; il est révélateur des réalités existantes, témoigne de la présence de mentalités difficilement compréhensibles et reflète un état d’esprit regrettable et persistant. Cette conférence ne fut que la partie visible de l’iceberg.

Comme il est normal en pareil cas, Jérôme Ducros reçut en même temps des manifestations de sympathie, d’adhésion, d’encouragement de la part de ceux qui, dans le bourbier sans visibilité excessive qu’est devenu l’espace offert à l’art contemporain par la « révolution » quasi permanente, s’interrogent, et dans la mesure du possible répondent. Je fus l’un de ceux-là, bien tard, car c’est un an après l’événement que j’en ai pris connaissance. En même temps, avec l’aide de cette merveilleuse invention qu’est l’internet, je fus informé ipso facto de l’ensemble des réactions et prises de position s’opposant aux idées véhiculées par la conférence en question, accumulées pendant plus d’une année.

Unité de temps et de lieu dans la dramaturgie du moment, concrétisée par un état de malaise, d’inquiétude navrée, conséquence de la violence de la riposte ; le tout greffé de surcroît sur des éléments biographiques responsables d’une réceptivité exacerbée envers ce genre d’attitudes, d’interdits, d’anathèmes, suite à une adolescence et une jeunesse passés en « Démocratie Populaire ».

Le hasard fait, (mais était-ce le hasard ?) qu’en juillet 2012, année de la conférence, est paru dans les éditions numériques Lettropolis le recueil d’une sélection de mes textes sous le titre Cahiers d’atelier écrits entre 1972 et 2000. Certains furent publiés dans une monographie parue à l’occasion de mon exposition à la Galerie des Maîtres Contemporains d’Aix en Provence. (1976).

Ils témoignent déjà de pensées similaires, les mêmes préoccupations transposées dans le domaine des « beaux-arts » : l’évolution (ou l’involution) du métier de peintre, son devenir, la réalité ou le « faux en écritures » que représente de nos jours l’activité qu’on appelle indûment « avant-garde » dont j’avais fait partie pendant la période des « Métaobjets », période terminée avec l’exposition au Musée d’art moderne de la Ville de Paris (A.R.C.) (1970). Je crois utile de citer un fragment d’un texte écrit en 1973, abordant le sujet :

« Depuis, à tort ou à raison je considère que l’avant-garde a cessé d’exister, faute de ligne de démarcation entre les choses admises et celles qui ne le sont pas. Sa raison d’exister était la tendance à franchir, à transgresser, à repousser toujours plus loin cette ligne. Or, quand théoriquement et pratiquement l’on considère que tout est admis, je me demande quel rôle, quel sens peut encore avoir la notion d’avant-garde.

Je crois que la disparition de cette notion, devenue non-sens, qui semblait désigner une tendance, indiquer une voie, une direction, plonge le monde de l’art dans un espace sans pointe, sans ligne à franchir, sans avant ni arrière, où les choses s’égalisent et se valent.

C’est sans doute de cet espace sans points cardinaux que j’ai hérité l’idée que le concept de modernité est devenu caduc. »

Dans les mêmes « cahiers », préoccupations concernant plusieurs autres aspects soulevés par l’appartenance au métier de peintre ; je parle en même temps de l’autre volet, celui de la peinture traditionnelle à laquelle je suis revenu après l’intermezzo plus que bénéfique par l’expérience acquise. Je n’étais pas le seul ; il y avait un groupe de peintres figuratifs avec lesquels j’ai fait un bout de chemin, autour de deux remarquables animateurs et critiques, (Gérald Gassiot Talabot et Jean-Louis Pradel) dont la mémorable manifestation emblématique fut la grande exposition Mythologies quotidiennes, toujours au M.A.M de la Ville de Paris. (1977)

Préoccupé avant tout par la pratique et l’évolution de la peinture, celles des arts plastiques en général pendant une période charnière, sans équivalent dans l’histoire de l’art par la multiplicité simultanée des tendances et des courants (phénomène totalement nouveau), je pense que la nécessité de clarification s’impose. Les arts plastiques, par leur morcellement, l’éloignement conceptuel et structurel de la peinture classique, demandent désormais une restructuration, une clarification. J’ai associé aussi quelques réflexions sur la musique à laquelle je ne suis lié hélas que par l’écoute, assidue certes, mais ce n’est que l’écoute. Je considère cette ingérence comme étant malgré tout légitime, en tant qu’amateur (dans le sens de « celui qui aime ») ou bien « consommateur. »

J’exprime mon intérêt pour leur présent, j’émets des doutes sur leur avenir s’ils en ont un, car ce conglomérat fragile me touche au premier degré puisque tout est lié, tout se tient, passé, présent, avenir, tout fait partie d’un ensemble sur lequel nous n’avons que des vues partielles, perceptions tronquées en fonction de nos connaissances et de nos goûts, nos sensibilités et nos expériences de vie ; le tout régi par nos limites, nos zones d’ignorance dont l’étendue est considérable.

J’étais incité à réfléchir en même temps sur leur éventuelle disparition, car des opinions circulaient sur la place publique, virulentes, impitoyables ; elles allaient jusqu’à annoncer leur trépas. « La peinture est morte » entendait-on ! Des personnes s’exprimaient librement, avec conviction, (parfois j’avais même l’impression de déceler une trace de joie maligne) ; des personnes « ayant autorité » par leur position, éloquence, force de persuasion, facilité d’écriture et un certain faible pour le sensationnel. Le tout, s’appuyant sur une connaissance de nature générale du patrimoine individuel, affirmant que tôt ou tard, tout a, ou peut avoir une fin.

Compte tenu des circonstances, la rumeur ne semblait pas forcément farfelue.

(À suivre)

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  • Pierre-François GHISONI
  • la littérature en partage
L'homme avant les termites
L'idéal sans l'idéologie
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