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17 juin 2010 4 17 /06 /juin /2010 10:22

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Un concours littéraire est organisé sur le thème de l'eau.


Le concours littéraire a ses lettres de noblesse. Le concours de Blois de Charles d'Orléans (Je meurs de soif auprès de la fontaine...) celui de l'université de Berlin de 1783 posant la question de l'universalité de la langue française, et tant d'autres...


Certes, les prix ne font pas les grands auteurs, mais ils y contribuent, ou du moins, permettent à certains d'accéder à ce seuil éditorial si difficile à franchir.


C'est pourquoi, sans prétendre à tant de gloire, mais non sans raison, "Le Livre et l'Écrit, association auteurs, éditeurs, et nègres" qui précise ainsi son absence d'exclusive, organise un concours sur le thème de l'eau. Le règlement en est disponible par demande à :


michelle.lemaire.axil@wanadoo.fr


Déontologiquement, les personnes intéressées s'adresseront préférentiellement à l'organisatrice.


Comme dans tout concours il y aura un choix. Comme tout choix, celui-ci fera des heureux et des déçus. Un autre jury choisirait peut-être d'autres candidats. C'est la règle du jeu.


Un lien complémentaire.


Quoi qu'il en soit, LETTROPOLIS a proposé à l'association le Livre et l'Écrit une lecture des textes de ses concurrents, sans aucune obligation de part et d'autre, sans autre lien qu'une augmentation de chances pour certains auteurs d'accéder à la publication numérique dans notre cas selon nos conditions générales aisément consultables sur www.lettropolis.fr


Ainsi se met en place une structure souple, à partir de buts communs que chacun réalise selon ses propres modalités.


La promotion globale de l'internet littéraire,

maxime en action de Lettropolis.

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6 avril 2010 2 06 /04 /avril /2010 09:25

 

Je posais hier le redoutable questionnement interne de l'écrivain confronté à sa responsabilité de porter au jour public ses écrits jusque là intimes. Je proposais en même temps une approche dichotomique entre la fonction d'écrivain et celle d'auteur.

 

Approche dichotomique ne signifie nullement opposition mais partage équilibré des rôles. Nous observons trop souvent deux dérives. La première est celle de la vedettarisation à outrance, du présentoir vedette, et de la participation tous azimuts de l'auteur à des séances trompettantes plutôt mal embouchées. Voir à ce propos mon pastiche publié sur ce même blog. La deuxième n'en est que la version contraire, poussée à l'extrême. L'écrivain ayant écrit son texte, s'imagine que son travail s'arrête là, que l'éditeur n'a qu'à publier et que les lecteurs n'ont qu'à acheter, tout le monde étant séduit par la qualité de l'œuvre irréprochable.

 

Le premier cas étant bien trop représenté pour qu'on s'y attarde, mieux vaut passer au deuxième. Il est parfaitement compréhensible et normal que l'écrivain soit soumis au double aiguillon de la fierté et de l'anxiété, chacun à son propre niveau. Cette stimulation ambivalente le pousse parfois à des comportements complexes. L'un de ceux-ci consiste à se retrancher derrière son texte, à ne plus y vouloir aucune retouche, à croire qu'il se portera de lui seul au contact du lecteur.

 

Cette attitude, qui peut porter ses fruits à long, très long terme, mais qui s'ampute d'une chance de bon départ, n'est pas la meilleure. Elle repose sur une méconnaissance profonde des lecteurs. Ceux-ci peuvent se diviser en deux groupes : les professionnels, au premier rang desquels l'éditeur, les critiques, les corps constitués de l'édition, et les amateurs de tous niveaux, le public.

 

Les uns et les autres ont un regard ajusté, ce qui signifie en fait, faussé par leur origine. L'éditeur "papier" ne peut oublier le prix du papier à acheter pour son édition, le volume apparent ainsi que le type de texte que sa clientèle attend. Le célèbre "vous avez aimé... vous aimerez... " est une accroche dont la justesse vraisemblable peut mener à la stérilisation par auto-plagiat. Le "copié-collé" n'est pas qu'une invention informatique pratique, c'était déjà un mode éditorial pratiqué par de nombreuses collections. On sait d'avance à quelle page l'infirmière à la blouse entre-bâillée embrassera la séduisant médecin. Mais d'autres thèmes d'apparence plus sérieuse ne font pas exception à cette réflexion. Il est possible que l'écrivain se hérisse contre certaines demandes de retouches de son éditeur. Ce qui est difficile, est de faire la part chez l'éditeur du professionnel et de l'amateur. Une frontière fluctuante sépare ces deux domaines. Ici aussi le goût a ses raisons que la raison ignore, mais la raison commerciale a trop souvent le dernier mot. En écrivant ces lignes nous nous exposons lucidement au feu des critiques des économistes du court terme. Pourtant, nous sommes prêts à publier, non leurs invectives, mais leurs arguments.

 

L'approche du lecteur amateur est bien différente : autant de têtes autant d'avis... jusqu'à ce que le char médiatique les aient aplaties. C'est ici, pensons-nous que l'auteur doit se positionner pour se défendre en tant qu'écrivain. La tâche est rude. Il faut se présenter sans se vendre, faire acheter son œuvre sans la brader, exister sans écraser ni se faire écraser, persuader sans violer. En quelque sorte il faut revenir à l'information vraie, débarrassée des trucs de la communication.

 

L'auteur français est particulièrement mal préparé à cela. Il doit vaincre deux obstacles fondamentaux qui ont un lien en commun. Le premier est sa longue croyance au tout-gratuit. Lui qui a du mal à croire à l'"opération du saint Esprit" s'imagine qu'il suffira d'envoyer son œuvre à l'éditeur et que la machine roulera gratuitement en engrangeant ses bénéfices qui viendront à point nommé mettre leur beurre dans ses épinards. Le deuxième obstacle est la déconsidération dont jouissent les activités manuelles en France par rapport aux intellectuelles. Chercheur, c'est bien, mais laborantin, c'est moyen ; quant à plombier... une fois la fuite réparée...

 

Oui, ces deux obstacles ont en commun la fameuse exception culturelle française, qui, à force de s'arc-bouter contre la réalité, se fissure de tous côtés et est bien proche de voler en éclats.

 

Est-ce à dire qu'il faille jeter le bébé avec l'eau du bain? Certainement pas. Il existe un juste milieu à trouver, une façon de positionner l'auteur comme défenseur de l'écrivain, sans qu'aucun de ces deux personnages ne tue l'autre. LETTROPOLIS s'y emploie et met en pratique sa charte éthique dans cette aventure que nous partageons avec auteurs, lecteurs, membres conseillers et de parrainage.

 

Et pour passer de la théorie à la pratique, je vous donnerai bientôt des détails supplémentaires.

 

Bonnes lectures sur LETTROPOLIS.

 

 

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5 avril 2010 1 05 /04 /avril /2010 07:23

      Dans le domaine de l'écriture et sans parler du statut légal, les deux mots sont souvent confondus. Cependant, la réalité qu'ils sous-tendent est différente. L'auteur est signataire découvert, sous nom propre ou pseudonyme. Il se présente aux yeux du monde, il a franchi une frontière de notoriété, quelle que soit son importance. Il a écrit un texte dont le domaine peut être bien différent de celui de la littérature. L'auteur de l'amendement N° X de la loi N° Y par exemple, quelle que soient les précautions sinueuses de son texte n'est pas, à ce sujet, un écrivain, et Einstein formulant E = mc2 non plus. Cette frontière est perméable dans les deux sens.

 

      Mais la littérature engage l'homme en un débat bien plus profond. Il s'agit de dire le monde, le sien et celui des autres, en histoires soumises aux frontières floues de l'art, c'est-à-dire, finalement en transgressions possibles, et par mutation des outils qui sont le propre de l'homme, parmi lesquels la parole est un des plus notables.

 

     Il n'est pas étonnant dans ces conditions que la frontière soit difficile à franchir. De plus, elle ne permet pas le retour. L'homme devenu écrivain, quelle que soit sa notoriété, a ouvert la porte d'un univers distinct de celui des autres "écrivants". La topologie mathématique perdrait ses repères à caractériser les frontières, les disjonctions, les ouvertures de l'un à l'autre. Oser la littérature c'est s'exposer au monde et à sa diversité qui est plus souvent décevante que stimulante. À chacun sa formule. À un Céline qui met ses tripes sur la table répond un inconnu qui n'ose pas encore ouvrir son âme, ou un honnête laboureur de lignes qui sème dans l'espoir d'enfanter l'esprit chez les autres, et comme tous les bons laboureurs, il est fier de la rectitude de son sillon, obtenu, non par GPS, mais par le secours affermi de ses bœufs tenus de sa main. Il est des écrivains de la rature, du remords, de l'architecture contrôlée, cent fois sur le métier remise. Il en est d'autres de la machine à écrire lancée, de la ligne défiée, qui ne s'autorisent aucun retour, aucune correction, comme le rameur emporté en ses rapides.

 

      Il n'est aucun écrivain digne de ce nom qui ne se dévoile à son corps défendant, en tout ou en partie. La grande tentation est alors de pousser l'expérience jusqu'à sa connaissance ultime, dont je pose qu'elle n'existe pas, ou de brouiller les pistes par des stratagèmes en lesquels le monde se perd et son auteur aussi. Alors la machine tourne en un vertige qui s'accorde parfois au monde qu'elle épouse. Céline en fit les frais.

 

      Et donc, la grande tentation de l'écrivain est celle de ne pas écrire, de tuer l'artiste en lui, ce qui ne tuera jamais l'art, de se livrer à la douceur amère du repli en soi, au lendemain qui tue plus encore que le passé, car il impose ses brouillards au présent. Est-ce à dire que tout écrit d'écrivain doive passer la rampe en un festival publicitaire, en une orchestration pour gogos? Sûrement pas. Depuis que la prostitution a perdu son caractère sacré pour se transformer en une rencontre tarifée imposable, nous devons dépasser Brassens : avec cette technique, le talent n'est qu'une sale manie.

 

     Il faut donc entrer dans l'arène, à sa mesure, dépasser l'entraînement éternel contre un fantôme à qui l'on refuse le combat, un fantôme né de nos propres errances nécessaires. Devenir ermite avant de s'être frotté au monde n'est pas sagesse. Méditer sans support est une chute. Et si par malheur, en dépit de toutes ces vicissitudes, naissait en un lieu inconnu une grande œuvre destinée à ne jamais paraître, ce ne serait qu'une page de plus ajoutée au grand livre des mondes perdus, une page qui donnerait prétexte au grand rire du maître de l'orgueil, satisfait d'avoir dérobé une âme à la terre des hommes.

 

 

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30 mars 2010 2 30 /03 /mars /2010 12:56

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Je reviens sur mon article récent intitulé le Soin d'Écrire dans lequel je citais l'association écriture-soin psychologique de soi-même et des autres. J'y affirmais que l'écriture est une activité menaçante, une navigation périlleuse.

 

Je veux aujourd'hui illustrer ce propos par un exemple tiré de la vie d'un homme pour qui j'ai une admiration certaine, le colonel T.E. Lawrence, plus connu sous le surnom de Lawrence d'Arabie. L'occasion m'en est donnée par la lecture de la préface de la nouvelle édition des éditions Phébus.

 

On y apprend la vie étrange d'un manuscrit mise en parallèle avec celle de son auteur. Il ne s'agit pas d'un appareil critique indigeste, revenant avec force notules sur des interprétation savantes, mais bien d'un drame dans le drame.

 

Lawrence commence la rédaction de son manuscrit au début de 1919 et termine en juillet. Cependant, l'œuvre lui est volée en gare de Reading en novembre de la même année.

 

Il faut tout de suite dire combien il est difficile pour tout auteur de refaire à l'identique. Je pense même que le véritable écrivain en est incapable. Il ne s'agit pas d'une question de mémoire au sens commun du terme, mais bien d'un processus de création vitale, qui comme toute vie, est unique et irremplaçable. Copier est possible, refaire ne l'est pas, même lorsqu'il s'agit de travailler sur des faits apparemment incontestables. Trop de choix, trop de jugements émis dans le for intérieur de l'écrivain ont agi sur lui jusqu'à modifier son regard et son approche. En quelque sorte, le procès en littérature que mène tout écrivain vis-à-vis de son œuvre aboutit à un jugement dont l'immuabilité n'est pas certaine.

 

J'ose rajouter, quitte à suivre une piste futile, que le vol de ce manuscrit ouvre peut-être d'autres perspectives, pour peu que l'on veuille bien réfléchir aux craintes de certaines diplomaties, en cas de divulgation d'épisodes troubles si proches. Il est des héros utiles et des héros gênants. Ce sont souvent les mêmes.

 

Quoi qu'il en soit, Lawrence se remit au travail en décembre 1919, en acheva la plus grosse part au galop de charge, jusqu'en mai 1920, date à laquelle il remit son manuscrit à la Bodleian Library. En même temps, pour éviter toute nouvelle mésaventure, il fit imprimer huit exemplaires par l'Oxford Times.

 

Fin de l'histoire? Non, début de la chute. Car, à partir de ce moment, il entama un processus de révisions dans lequel entrent progressivement des motivations multiples et contradictoires. Il serait vain dans un article de cette taille d'en retracer tous les épisodes. Que l'on sache cependant que s'entrecroisent le souci de cohérence avec la maquette de l'imprimeur (impression sur papier avec les moyens d'époque), les recouches incessantes du travail de mémoire, la modification intime du projet initial, et les difficultés psychologiques majeures de l'auteur. On le voit ainsi se focaliser sur des détails de mise en page, comme le fait de retravailler son texte pour que chaque paragraphe se termine en fin de page. Il souhaite évoluer de la narration historique à la réalisation d'une œuvre littéraire comparable aux monuments que sont Moby Dick et les Frères Karamazov. Il coupe, il retravaille, il se désespère, il revient sur l'idée de publier la version d'Oxford. Son moral s'en ressent, et cette œuvre qui devait l'aider à surmonter la reviviscence de souvenirs douloureux, les ravive. L'édition ne le satisfait pas. Il tente d'échapper à cet enfer littéraire en s'engageant sous un faux nom dans la RAF. (Cf. mon article intitulé Sagesse? Ivresse? du 2/10/2009) en 1922. Nouvel essai de fuite dans le Tanks corps. Le processus infernal de la fuite en avant est enclenché. En 1924, avec le conseil d'amis, il se laisse persuader de rédiger une version abrégée et luxueuse qui devrait paraître en souscription. Nouvelle plongée. Les cauchemars nocturnes se mêlent aux idées noires, et seul semble le soutenir le devoir de terminer cette rédaction avant de mettre fin à ses jours.

 

On imagine le calvaire de cet homme sans cesse confronté à son texte qui lui imposait de revivre les moments les plus douloureux de sa vie, tandis qu'il ne cessait d'y revenir pour explorer un style littéraire nourri de phrases plus nerveuses au prix de ruptures dans les enchaînements, de la perte d'une fluidité d'écriture. En écriture comme dans le vie, la recherche de la force peut faire perdre la souplesse qui en est aussi une composante. La vieille histoire du chêne et du roseau.

 

Peu de temps après sa mort, en 1935, parut une édition luxueuse, abrégée qui semblait vouloir "enterrer" toute autre reprise plus évoluée.


C'était sans compter le temps destiné à faire son œuvre, les érudits soucieux de reprendre le manuscrit de la Bodleian, le traducteur attaché à nous offrir cette version revenue à sa vigueur primitive.

 

 

 

 

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26 mars 2010 5 26 /03 /mars /2010 07:58

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J'écrivais il y a quelques jours, reprenant les propos de Mme Veil lors de sa réception à l'Académie Française : "La tragédie de ces familles entières abandonnées laisse en tout cas une tache indélébile sur notre histoire contemporaine". Elle parlait des harkis. Elle fit bien. Elle eût fait mieux encore, en poursuivant son effort. Elle ne le fit pas. Je le ferai donc à sa place.

 

Cette tache indélébile est un odieux mélange de boue et de sang. Le sang des martyrs, la boue des coupables. Oui Mme Veil eût été mieux inspirée de poursuivre dans cette voie, et ce d'autant qu'elle avait un parterre "de roi" : trois présidents de République. Mais elle ne le fit pas. Trois potiches. Trois seulement...?

 

Car le sang ne manqua pas, de la même veine entre harkis et pieds-noirs, tout autant Français les uns que les autres, tout autant tués directement ou indirectement par l'armée française. Le crime couronnant le drame.

 

Ce 26 mars 1962 une foule désarmée, vient porter secours aux habitants de Bab-el-Oued maintenus depuis plusieurs jours dans un blocus par les troupes françaises. Manquent la nourriture, les médicaments, les liens familiaux, les craintes partagées. L'heure est au soutien et à la peine; l'ironie du sort veut qu'un pseudo cessez-le-feu ait été bâclé une semaine auparavant par le vieillard haineux de l'Élysée.

 

Un coup de feu, parti d'on ne sait où déclenche la fusillade. Douze minutes, douze minutes de fusillade de la part de l'armée française sur des civils désarmés, douze minutes au cours desquelles des voix anonymes supplient le lieutenant de crier "halte au feu", douze minutes de sang, de terreur et de mort, douze minutes d'horreur, douze minutes qui n'en finissent pas d'étendre leur tache indélébile sur notre histoire contemporaine, tache de boue pour les coupables, tache de sang pour les 56 morts recensés de ce lundi 26 mars 1962, rue d'Isly à Alger.

 

Je posais hier la question du devoir d'écriture.

Répondre, c'est transmettre.

 

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25 mars 2010 4 25 /03 /mars /2010 10:27

 

Un article récent du Figaro met l'accent sur l'incitation à l'écriture proposée par des psychothérapeutes à leurs patients. Il s'agit d'une écriture dirigée, commentée, retravaillée avec l'aide du spécialiste consulté. Quelques exemples viennent à l'appui de cette hypothèse. Une question subsidiaire s'y rajoute, posant cette pratique en opposition possible aux entretiens de même tendance sur meubles divers.

 

Cette proposition de soin par l'écrit ne surprendra que les personnes qui n'ont jamais évoqué le rôle profond de l'écriture dans la relation à soi et aux autres. Je voudrais évoquer d'abord deux grands champs d'écrits relationnels.

 

Le premier est celui de la carte postale, pensum de vacances profondément ridicule dans sa forme (il fait beau... profitez au bureau... la croix sur ma fenêtre... etc.) multiplié par le nombre d'envois obligatoires, pour soigner la relation aux autres, qui sans cela... J'utilise le mot soin dans un sens qui paraît non médical, mais qui touche en réalité au domaine médicalisable de la relation aux autres, faite de prescriptions socio-amicales, et de tabous variables à imprécis.

 

Passons à un second champ d'écriture, celui du testament. Il s'agit profondément de mettre de l'ordre, de laisser une trace, d'organiser (autant que possible) l'avenir. En quelques sorte de soigner le cortège symptomatique de la mort prévisible, dont, au premier rang, l'angoisse. Ici encore l'écriture est un soin de soi et des autres, prolongé par l'épitaphe, cette carte postale gravée sur pierre par les récipiendaires de l'écrit sus-dit.

 

Entre ces deux champs (nous aurions pu choisir d'autres exemples) s'intercale un monde fluctuant aux modes divers. Nous les avons classés en sept lieux sur LETTROPOLIS, bien conscients que d'autres choix eussent été possibles. Et si nous avons créé le Bois des Essais, c'est bien pour ouvrir la porte aux textes qui échappent au cadre classique de la littérature. (Mais où sont les limites de ce cadre?).

 

Il faut bien en revenir au journal intime, pieux cadeau de la maman à sa fifille, qui jure croix de bois, croix de fer qu'elle n'ira jamais le chercher sous l'oreiller où il est caché, et qu'elle ne le lira jamais... sauf, bien sûr si...

C'est un peu ce que proposent ces psychothérapeutes, et je ne peux que souscrire à cette approche, qu'elle soit positionnée dans ce cadre, ou spontanée.

 

Car l'écriture est une trace de soi-même nécessitant une mise en ordre pour témoigner devant un tribunal qui est avant tout le nôtre. Il est bien évident que dans ce tribunal, malgré la formule consacrée à la vérité, rien que la vérité, toute la vérité, des accommodements sont possibles -- et même nécessaires -- avec l'infinie complexité des éléments, pour aboutir à une mise en forme relationnelle. Elle oblige à des choix, des modes de présentation, en même temps qu'à une réflexion profonde sur nous-mêmes et sur les enjeux en cours, à court, moyen et long terme.

 

Bien plus que la lecture, l'écriture est une action qui nous engage. Même l'écriture "automatique" des surréalistes participe de cet engagement. Et il n'est pas anodin, qu'au cours d'une longue carrière médicale où j'ai proposé à tant de personnes d'écrire leurs difficultés, bien peu l'aient fait. Mais celles qui s'y étaient attelées (j'emploie le féminin en relation avec le mot "personnes" mais aussi parce que c'étaient des femmes) m'en ont témoigné leur satisfaction. Elles avaient l'impression d'exister, ce qui est déjà un grand pas vers l'affirmation de soi.

 

Il m'arrive souvent de comparer l'écriture à l'aviation. Combien de personnes déclarant vouloir voler, trouvent mille occupations à faire quand on les invite à un vol gratuit! L'écriture est une activité menaçante, car des risques sont pris, non seulement ceux d'être confronté à un manque de pratique, mais aussi ceux du jugement des autres, et pire encore, ceux de dévoiler des pans de personnalité qu'on préfèrerait masquer. Écrire, c'est naviguer entre des écueils nouveaux que l'on esquive d'habitude en passant au large, en laissant la manœuvre à d'autres. Écrire, d'une certaine façon, c'est peser son âme et laisser à d'autres le soin de contrôler cette pesée. Mais c'est aussi nourrir la grande âme du monde.

 

L'écriture serait-elle un devoir?

 

Cette question méritera une nouvelle approche, pas plus tard que demain...

 

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15 décembre 2009 2 15 /12 /décembre /2009 21:49

Se rappeler qu’un tableau, avant d’être un cheval de bataille, une femme nue ou une quelconque anecdote, est essentiellement une surface plane recouverte de couleurs en un certain ordre assemblées.

 

Ce texte de Maurice Denis est extrait de sa Définition du Néo-traditionalisme, parue dans la Revue Art et Critique du 30 août 1890. Il vient illustrer notre réflexion sur la création artistique, et, bien qu'il semble ne s'appliquer qu'à la peinture, développe plusieurs thèmes, dont nous retiendrons à peine celui de l'artisan maître de son expérience confronté aux désirs imprévus de l'artiste, mais surtout celui de l'image anticipatrice que l'artiste perçoit de son œil intérieur, avant que sa rétine en ait subi la moindre impression.

 

Il faut bien remarquer que le "certain ordre" n'est guère précisé, non plus que l'antériorité de l'expression "avant d'être". La porte est donc ouverte à une somme imprécise de préparatifs et de reprises qui peuvent courir depuis les premiers battements intellectuels par lesquels l'œuvre irrigue la veine de l'artiste, jusqu'aux limites théoriquement infinies du droit moral à repentir.

 

En outre, la notion de forme n'est jamais évoquée que comme le résultat de ces couleurs et de leur certain ordre. Le peintre est donc défini comme un assembleur de couleurs, créateur de formes. Il s'oppose ainsi au sculpteur, dont l'œuvre serait alors un jeu monochrome de lumières et d'ombres. Mais en allant plus loin dans l'énoncé de cette définition, on pourrait imaginer que le cheval de bataille, la femme nue, et l'anecdote se rejoignent dans la même œuvre, pour peu que les couleurs "formatrices" s'y prêtent. Une histoire dans l'histoire commence à prendre forme, mettant en scène le cheval et la femme, ou l'anecdote dans son sens le plus profond de chose inédite.

 

L'intérêt pour notre approche d'écrivain est de nous situer dans cette perspective, de poser la question des couleurs d'écritures et peut-être de leurs deux, trois dimensions, ou plus encore. L'écrit, malgré son apparente fixité, liée à la définition de ses mots, devient créateur de formes anecdotiques, ouvertes à des significations multiples et variables, à des anecdotes, des inédits de la pensée. Queneau et ses Exercices de style ne sont pas loin, mais avant lui, l'Étranger de Camus devient un homme sculpté, que l'on pourrait opposer à la Charogne irisée de Baudelaire. Le Maigret de Simenon impose sa présence massive, alors qu'Arsène Lupin, kaléidoscopique, échappe d'histoire en histoire à toute description précise, et nous ramène à l'anecdote.

 

Nous sommes progressivement passés de l'œil de l'artiste à celui du spectateur. Une fois de plus, nous sommes ramenés à une réalité qui touche à des noyaux mal définis, et pourtant si riches de possibles. La grande forme classique révèle encore bien des surprises.

 

Nous y reviendrons.

 

 

 

 

 

 

 

 

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14 décembre 2009 1 14 /12 /décembre /2009 21:51

 

 

Bien que le roman ait pu être qualifié de forme achevée de la littérature et pourquoi pas, compte tenu de la difficulté à lui trouver une définition... achevée je souhaite donner quelques lettres de noblesse à des formes plus courtes, dont beaucoup d'ailleurs, se passeraient très bien de ma prose. Mais c'est aussi, de ma part, un hommage que je rends à des auteurs qui m'enchantent.

 

Nous avons vu récemment que les noyaux d'illisibilité, ou d'invisibilité, sont peut-être les bases sur lesquelles se fondent de maîtresses œuvres. Un physicien de la matière nous regarderait certainement avec curiosité, et peut-être nous rirait-il au nez, en nous ramenant quelques siècles en arrière, jusqu'à Démocrite pour le moins et à sa notion d'atomes, puis faisant le bond inverse, reviendrait vers l'actualité de la physique quantique. Eh, quoi! La nature ne vous a pas attendus pour élaborer des merveilles à partir de ces petits riens.

 

Mais aucun rire ne saurait nous expliquer par quels mystérieux cheminements l'esprit humain, spécifiquement littéraire, transmute des invisibles en chef d'œuvre, se joue des proportions, et nous mène au bonheur du sens retrouvé à partir des formes dissemblables.

 

J'appelle à témoigner deux jeunes lieutenants, Drogo et Zangra, qui passèrent leur vie d'attente, l'un au Désert des Tartares, de Dino Buzzati, et l'autre au fort de Belonzio sous les accords de Jacques Brel. Des hommes pris de solitude et de ferveur retombée, aurait dit Gide, finalement confrontés à l'inéluctable défaite qu'ils défieront, l'un en se raidissant contre la mort, l'autre en buvant l'amertume de ne pas être héros.

 

Malgré l'asymétrie évidente (trois minutes et quelque de musique, face à plusieurs centaines de pages écrites) un traité de littérature comparée basé sur ces deux œuvres ne serait pas boiteux, tant elles atteignent à la même richesse par des chemins différents. Voilà la trace des maîtres.

 

Et pour ajouter une piste à cette recherche, je prends également appui sur un autre géant, Maupassant, qui écrivait: "Des chefs-d'œuvre ont été faits sur d'insignifiants détails, sur des objets vulgaires. Il faut trouver aux choses une signification qui n'a pas encore été découverte et tâcher de l'exprimer de façon personnelle. Celui qui m'étonnera en me parlant d'un caillou, d'un tronc d'arbre, d'un rat, d'une vieille chaise, sera certes sur la voie de l'art et apte, plus tard, aux grands sujets...".

 

Des noyaux plus ou moins visibles, plus ou moins lisibles, pour notre bonheur renouvelé...

 

 

 

 

 

 

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13 décembre 2009 7 13 /12 /décembre /2009 21:07

Un cliché qui a la vie dure traduit deux choses: un fond de vérité, et l'intérêt qu'ont certains à le propager. Autrement dit, pour tuer son chien, mieux vaut dire qu'il est enragé.

 

Il en est ainsi de la mauvaise réputation attachée au contrat à compte d'auteur. Je vais donc ici le défendre, non par souci de la veuve et de l'orphelin, mais simplement pour revenir à la réalité du terrain.

 

Qu'il existe des margoulins dans le maquis des contrats à compte d'auteur, nul ne le contestera. Il suffit d'en connaître quelques pratiques pour s'en convaincre. Mais qu'il n'en existe pas dans le beau monde des contrats d'édition, tels que glorifiés par le code de la propriété intellectuelle dans son article L 132-1, reviendrait à donner le bon Dieu sans confession à quelques marchands de papier bien en cour. Et cela ne correspond pas à la réalité.

 

Car combien d'auteurs édités par de respectables grandes maisons attendent encore, sinon le paiement de leurs droits d'auteur, du moins l'arrêté de leur compte? J'en connais au moins un: il écrit ces lignes, et il n'est pas le seul.

 

Alors, que l'on arrête de trouver çà et là que l'éditeur respectable, le seul, le bon, barricadé derrière son contrat d'édition légalement sanctifié prend tous les risques éditoriaux, ce qui l'oblige, le pauvre, à imposer ces faramineux droits d'auteur de l'ordre de 8% assis sur le prix de vente public (avec quelques gratifications pour les bons élèves, s'ils restent sages).

 

Qui accepte cela doit aussi accepter que le prix du litre de lait acheté si bas chez le fermier, soit revendu si cher en grande distribution. Mais à bien y réfléchir, sans production de lait, pas de vente de lait, et sans auteur, pas d'éditeur.

 

Pire encore, l'auteur, lui est payé, à la fin d'année (quand ce n'est pas à la Saint Glinglin). Connaissez-vous beaucoup de producteurs soumis à une telle contrainte financière? En commandant un livre chez un éditeur, attendrez-vous la facture pendant un an? Non! Cela n'est pas sérieux. Cela sent la machinerie bien rodée, la planche bien huilée pour que l'auteur novice y glisse et se noie dans le système.

 

Il est vrai que l'exception culturelle française associée au manque de maturité économique joue à plein dans cette relation faussée: l'auteur qui imaginait des profits ronflants après avoir confié son manuscrit à la poste, ne recevra qu'une lettre standard, lui annonçant que malheureusement... mais qu'il doit payer les timbres pour qu'on lui retourne son manuscrit. La ladrerie va jusque là.

 

Les rares élus admis au RSE (le revenu de solidarité éditoriale) devront en outre subir le discours responsable ou larmoyant (c'est selon) qui les ancrera dans un contentement douteux.

 

Il est temps de passer à un autre modèle économique. Internet le permet, Internet y oblige. C'est ce que nous ferons dans notre site littéraire. Le contrat à compte d'auteur, puisqu'il faut légalement l'appeler ainsi, sera notre assise relationnelle. C'est le seul moyen d'assurer une relation équilibrée entre l'auteur producteur, l'entreprise distributrice et le lecteur acheteur: une rétribution de l'ordre de 50% pour l'auteur, un prix de vente public abaissé de trois à quatre fois par rapport à un livre équivalent, une gestion éthique de l'entreprise.

 

Notre contrat à compte d'auteur instaurera dès le début cette relation privilégiée affirmant la confiance réciproque. L'auteur y entrera de plain-pied par une contribution modeste, en participant dès le début à la mise en forme de son texte, et en étant intégré à la promotion de l'œuvre. (Je préciserai cela dans un futur article).

 

Tout auteur confiant en son texte comprendra sans peine les avantages de notre organisation. Pour les autres, aucune loi n'interdit de courir la ronde sans fin des éditeurs dépassés.

 

Je dis à mes futurs auteurs: je prends les commandes, nous partageons l'aventure.

 

Décollage dans quelques semaines.

 

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11 décembre 2009 5 11 /12 /décembre /2009 17:54

 

Le dialogue qui me porte vers le blog « misenmots » de Christine Henniqueau-Mary nous tire tous les deux du côté de la nouvelle, ce bijou mal aimé, en tout cas, mal porté, de la littérature française. Il y certes quelques auteurs reconnus de cette forme, mais cantonnés, parqués dans cette spécialité, j'allais dire dans cette réserve, comme assujettis à l'expansion du roman, du beau, du bon, du grand roman, et c'est une belle, une bonne, une grande injustice. À vrai dire, cet article serait difficilement traduisible en anglais, car nos amis anglo-saxons, lecteurs et auteurs, ne partagent pas l'ostracisme qui touche la nouvelle française. Est-ce parce qu'ils utilisent le terme novel pour roman et short novel pour nouvelle, créant ainsi une parenté illusoire? La question mériterait son développement, mais je préfère revenir en terre francophone.

 

Écrire une nouvelle, selon trop d'éditeurs, reviendrait à manquer du souffle nécessaire pour écrire un roman, et à se lancer dans un marché déserté de lecteurs. L'empois des mots, le choc des vrais sots... Pardon de m'immiscer en ce match inégal entre poids lourd et poids plume des lettres, mais il serait vraiment dommage que tant d'auteurs négligés ne reçoivent pas ici un petit soutien.

 

Oui, je sais, nous avons eu notre météore de la nouvelle, Maupassant. Mais combien d'autres de belle valeur ont été démonétisés? Oui, je sais, il existe quelques revues spécialisées, et même, quelques pages où glisser une nouvelle quand les marronniers ne les recouvrent pas de leurs feuilles. Mais, à quand remonte votre dernière lecture d'une nouvelle?

 

J'aime que le plaidoyer de Christine, outre sa beauté formelle et sa réalité profonde, nous amène à une réflexion supplémentaire. En défendant, en valorisant ce merveilleux « brin de vie » elle nous enseigne à lire une nouvelle. Ni parcourir, ni survoler, mais lire, de tous nos sens, de tout notre corps, de même qu'il faut apprendre à cueillir un bonheur fugitif qui sera peut-être le seul de notre interminable quête. Mais comment lire de tous nos sens? La réponse est en nous, que nous la cherchions du côté de la platitude du ton, recto tono comme certaines récitations liturgiques destinées à prendre par l'âme, ou du côté de l'expression la mieux adaptée à notre élan vital.

 

Les cinéastes ne s'y sont pas trompés, par qui tant de nouvelles sont devenues de grands films (les spécialistes les recenseront). Leur profession les a certainement entraînés à traduire les mots en images animées. Une fois de plus, l'étrange relation entre le lisible et l'illisible, le visible et l'invisible enfante le rêve éternel. Boule de suif monte dans la diligence et La Poursuite infernale peut commencer. Mais que pensez- vous de La Traversée de Paris, de l'Homme qui rétrécit, de la Mouche, du Baron de l'écluse, de l'As de pique, de Eyes wide shut, du Festin de Babette, de 2001 Odyssée de l'espace et tout dernièrement de l'adaptation du Christmas carol de Dickens?

 

Ce petit brin de vie, a tout pour prendre racine et mériterait un plus ample regard. Donnez-nous de vos nouvelles, pour notre futur site littéraire.

 

 

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  • Pierre-François GHISONI
  • la littérature en partage
L'homme avant les termites
L'idéal sans l'idéologie
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