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15 novembre 2014 6 15 /11 /novembre /2014 16:33
Article de Christophe Biotteau, repris du blog de Lettropolis
Ma nouvelle amie

C’est un film diffusé en ce moment dans les salles obscures…

Aux derniers naïfs – je crois qu’il n’en reste plus beaucoup – je voudrais dire sans ambages que ce n’est pas qu’un film « délicieusement subversif », sur un sujet en vogue qui a fait couler beaucoup d’encre sale. Il y est question, on l’aura compris, d’un veuf dans sa trentaine qui, après la mort de sa femme, se prend à rêver d’en devenir une. Il n’y a pas d’innocence en art. On ne fait pas un film que pour dire et montrer ça ! Je m’explique.

Je ne discuterai pas de l’histoire elle-même ni de sa vraisemblance  (j’en laisse le soin aux « critiques » professionnels qui s’en chargent à ma place, mieux que moi, Dieu merci); je ne dirai pas si ce film m’a plu ou déplu, (cela n’est d’aucun intérêt pour personne) ; je ne parlerai pas de l’ennui ou du plaisir que l’on prend à le voir (qu’importe, ce n’est pas le sujet de ma petite réflexion) ; je ne citerai pas même le nom de son créateur (ce serait tomber dans son piège). Je voudrais simplement dire à ceux qui prétendent nous diriger, nous réformer, nous remodeler, qu’ils ne se flattent pas si vite : nous n’avons aucun pouvoir  comparé au leur; cependant, l’esprit critique n’a pas abdiqué. Nous voyons votre malice...

Ce film est subtilement sulfureux. Les images sont subliminales, au sens où elles ne sont perçues qu’au-dessous du niveau de conscience ; le véritable message du film est transmis de manière effractive, de biais, inconsciemment. C’est de l’art (et de l’imposture, de bonne guerre). « Osons ! » s’est dit son auteur. L’essentiel en art, en peinture et au cinéma, en particulier, est souvent ailleurs… Nous croyons voir ce que l’on nous montre. Pourtant il y a plus intéressant à voir et que, précisément, l’on ne veut surtout pas nous montrer, mais que notre cerveau enregistre, à notre insu, et qu’il interprète, ensuite, au repos, à l’abri… Le vrai travail de sape a lieu après la projection. Dans ce film, par exemple, il me semble que le sens véritable se déchiffre après coup, à travers des images d’objets et de lieux fortement connotés d’un point de vue symbolique. Et c’est assez bien fait.

1) Dans Ma nouvelle amie, ce qui est chrétien est, faut-il s’en étonner ? assimilé à la naïveté, l’aveuglement, la bêtise, le vieux, le fané, le froid.

Le beau-père apprenant que le héros/héroïne accidenté a été retrouvé habillé en femme émet l’hypothèse - ridicule - qu’il allait peut-être en plein après-midi à une soirée de déguisements… Les croix noires menaçantes sur fond de vieux papier peint délavé dans une chambre assez miteuse nous rappellent une « vérité » déjà entendue : que ce symbole appartient à un monde dépassé. Cette chambre est, d’ailleurs, celle d’une vieille maison bourgeoise abandonnée en pleine nature, jadis habitée, aujourd’hui désertée ; c’est l’automne, il y fait froid ; il y fait sombre. On comprend que cette maison est inhospitalière et douloureuse… La croix en or que porte discrètement (point « ostentatoire » !) la belle-mère du héros/héroïne est évidemment discréditée par les propos convenus de cette bourgeoise qui ne comprend rien à ce qui se passe et que « l’efféminisation » de son gendre laisse tout simplement interdite. La croix est implicitement l’indice d’une incapacité à s’adapter aux nouvelles normes. Ceux qui la portent sont des arriérés étiquetés.

2) De plus, dans Ma nouvelle amie, s’opposent bien deux mondes, c’est-à-dire deux univers et deux espaces géographiques symboliques aux antipodes:

la maison bourgeoise urbaine et moderne est le lieu de la transgression culturelle et « civilisationnelle » ; la vieille maison de campagne, lieu des souvenirs qui font mal, où l’on trouve aux murs ces objets d’une autre temps : des crucifix noirs, noirâtres, charbonneux… est la maison du monde d’avant, ce monde que le film enterre… Ce film ne nie pas à quel point il est difficile de s’arracher à ses anciens errements ! La maison de campagne est menacée par la nature environnante… Elle est froide, chargée de souvenirs… C’est la maison des origines, ce à quoi il faut s’arracher ! Les personnages vacillent souvent et sont entraînés tantôt vers un espace, tantôt vers un autre, espace rural, espace urbain. Il faut choisir « sa maison ». La maison urbaine, d’une banlieue « chic »,  peut, selon moi, symboliser la culture et l’évolution, au sens où l’entend son auteur ; et le propre de la culture n’est-il pas de dépasser les normes naturelles, bien sûr ?...  Brandon de discorde !… Au milieu, figure l’endroit intermédiaire : l’aire d’autoroute où le héros/héroïne change d’habits et passe de l’homme à la femme ou de la femme à l’homme - l’autoroute, lieu transitoire, de régression ou de progression : qui nous ramène à la maison de campagne, le monde d’arriération culturelle qu’il faut abolir ou à celui de ses agglomérations urbaines, ses centres commerciaux, de ses banlieues cossues, celui de la « modernité » épanouissante…

3) L’enterrement par lequel commence Ma nouvelle amie est, en fait, on le comprend ensuite, l’enterrement de l’ancien ordre ou de l’ancien monde, le monde des normes dépassées ou qu’il faut dépasser.

Ce n’est pas pour rien que la jeune femme trépassée est enterrée dans sa robe de mariée : c’est l’enterrement du mariage normatif, hétérosexuel et religieux que résume sa robe blanche qui, bien sûr, pourrira dans une tombe. Et ce n’est pas pour rien si c’est son mari qui l’habille: il va, pardi ! prendre sa place et il va - enfin ! - devenir elle et porter ses vêtements ! C’est par conséquent dans le nouvel ordre des choses que le héros/héroïne enterre le mariage hétérosexuel et tous ses codes avec, au sens propre et figuré ! Le mariage immémorial entre un homme et une femme, qui plus est mariage chrétien, le cinéaste vous  l’envoie dans la tombe d’entrée de jeu, allez hop ! Tout le monde pleure. Il faut en convenir : changer l’un des paradigmes de la civilisation est toujours douloureux. En éprouver un certain chagrin, à la condition de vite passer à autre chose, est légitime. La suite n’en sera, selon le film, que meilleure !

Quand l’art subliminal sert l’idéologie, on arrive à des sommets de manipulation. Il est urgent d’apprendre à décrypter ! À ceux qui disent : « Osons », répondons : « Décousons ! » Nous sommes pris dans une guerre spirituelle et métaphysique et ce film est un boulet de canon venu du monde du dessous à destination du monde d’au-dessus. L’arme est d’autant plus efficace qu’à la plupart des petits soldats que nous sommes, sa trajectoire est invisible. Combien de clochers renversera-t-elle encore ?

 

Christophe Biotteau a publié :
Le Martyre dévoilé de la bienheureuse Jeanne Billace

 


Le Martyre dévoilé de la bienheureuse Jeanne Billace

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  • Pierre-François GHISONI
  • la littérature en partage
L'homme avant les termites
L'idéal sans l'idéologie
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