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5 novembre 2014 3 05 /11 /novembre /2014 13:36
En conlusion N.-B. Barbe expose d’abord les mécanismes par lesquels « les dictatures actuelles opèrent en opposant l’idéologie du génocide par elles subies […] pour cacher et dialectiser les génocides par elles produits. »

Il cite essentiellement mais non exclusivement « trois axes centraux […] trois exemples paradigmatiques, historiquement et politiquement liés, considérés comme eux-mêmes le disent, comme unifiés, et qui sont les modèles ortéguiste nicaraguayen, castriste cubain et chaviste (et néo-chaviste) vénézuélien. »

« En premier lieu, l’idéologisation qui impose d’un côté le modèle du révolutionnaire comme symbole du David contre Goliath, du citoyen contre l’État injuste ou vendu, […] et de l’autre, l’assimilation paradoxale de toute manifestation contre le gouvernement […] comme l’expression d’une trahison idéologique, d’un « apatridisme », d’une action de « déstabilisation » contre le « peuple« , qui est dit être identique au gouvernement.

En second lieu, l’apologie à grands cris d’un modèle revendiqué comme marxiste, basé sur l’égalité absolue entre tous (dont la conséquence pratique, par exemple dans l’enseignement, est un processus de nivellement par le bas), et dont la preuve, du moins présentée par la propagande de gouvernement, est à son tour, de trois types : […] :

  • la manifestation permanente du « peuple » dans les rues, pour un oui ou pour un non

  • l’organisation en forme de coopératives d’État,

  • la pyramide organisationnelle du pouvoir, tellement centralisé que rien ne peut se faire sans l’approbation du chef (malgré la création de structures – conseils ou autres dénominations – censées promouvoir un pouvoir citoyen.

En troisième lieu, comme conclusion logique de ce qui précède, l’élaboration d’un gouvernement autoritaire, qui n’existe que par le chantage, la peur, la violence.

Pour nous, spécifiquement Français, habitués à errer sans lumière dans tout ce qui n’est pas hexagonal, les exemples cités par Barbe (volontairement réduits dans ce compte-rendu) semblent purement théoriques. Hormis quelques slogans mécaniquement et sporadiquement relancés, la réalité latino-américaine s’estompe.

Barbe nous ramène donc à des interrogations plus proches (ou qui devraient l’être) de notre réalité.

« […] Quelles sont les similitudes avec ce que Barthes appelait, s’agissant de nos gouvernements dits démocratiques, nos « dictatures molles« , où s’opèrent, comme des mouvements tectoniques sous-jacents mais permanents, les mêmes phénomènes : d’utilisation de la force armée contre les manifestants […] ; d’imposition par une minorité s’enrichissant au pouvoir de la misère généralisée pour l’ensemble des grandes masses […] de systèmes électoraux fermés où ce sont les mêmes qui peuvent se présenter (en France, il faut obtenir la signature de 500 maires pour pouvoir se présenter aux élections présidentielles) ; où le dictateur et le riche sont rarement jugés […] mais où le pauvre est considéré coupable car il est justiciable a priori […] mais où à la fois les règlements de comptes entre politiciens affaiblissent les structures d’indépendances du système judiciaire […] où finalement la vérité doit, comme au temps du goulag, être cachée lorsque la Raison d’État s’impose sans qu’on sache bien pourquoi à la raison tout court. »

Ici encore, les exemples de Barbe ont été omis, pour faciliter autant la lecture immédiate que la réflexion personnelle : que chacun veuille bien oublier les derniers résultats du foot ou du Loto, et se remémorer quelques faits récents de notre histoire proche !

Peu à peu, Barbe « enfonce le clou» :

« On voit donc, à travers cette réflexion, comment les dictatures en gestation, avec leurs génocides non reconnus (à partir de combien de torturés, de morts, de prisonniers politiques, existe-t-il un état de dictature? […], nous offrent une voie d’accès à une question plus grave et importante encore: les limites de la démocratie réelle dans nos sociétés apparemment non dictatoriales. »

Il ne reste plus à Barbe qu’à tirer ses conclusions générales sur la relation État-Nation, et sur la méthodologie de la dictature :

  • « 1. Le principe, développé par les États-Nations naissant au XIXe siècle de l’unité dans la diversité, […] de soumission des régions comme simple partie d’ensembles plus grands […] créés arbitrairement), d’où l’imposition d’une unique langue, « véhiculaire » et non « vernaculaire » […]

  • 2. L’affirmation que l’élection (ponctuelle, par définition, puisqu’elle n’arrive qu’une fois chaque quatre, cinq ou sept ans) impliquerait que toute décision du gouvernement élu serait, par l’élection préalable dudit gouvernement, implicitement approuvée par le peuple, même s’il n’avait jamais été auparavant consulté sur le sujet.

  • 3. Cette idéologie du « si vous m’avez élu c’est que je peux tout faire », [qui] provient de la prédisposition mégalomane de nos gouvernants à se considérer comme de petits rois démocratiques (c’est-à-dire des tyrans absolus de temps déterminé); raison pour laquelle il nous imposent un ordre lié à une sur-conscience de leur être et de leur pouvoir, et un mépris parfait de nous qui les faisons. »

Que l’on connaisse ou non les exemples pris par N.-B. Barbe pour démasquer dictatures et génocides, l’important est de comprendre qu’un chemin de réflexion nous est montré. Bien sûr, le cas de la Vendée est emblématique, non seulement par les faits historiques, mais par les tentatives persistantes de les nier. On peut – je pense que l’on doit – accepter que cette persistance spécifique de la négation ajoute un critère a posteriori à la définition des génocides, et donc, des nouveaux génocidaires.

Mais, pour que l’arbre du génocide ne cache pas la forêt de la dictature, Barbe nous enseigne aussi à débusquer les formes dictatoriales de la démocratie confisquée. Une révolution copernicienne spécifique de cette forme de pouvoir est certainement nécessaire.

(fin du compte-rendu de la communication de N.-B. Barbe destinée au congrès de Vouvant sur les génocides, septembre 2014, organisé sous l’égide du Pr. J.-M. Grassin).

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  • Pierre-François GHISONI
  • la littérature en partage
L'homme avant les termites
L'idéal sans l'idéologie
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