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19 janvier 2010 2 19 /01 /janvier /2010 05:54
LETTRE-AUX-FRANCAIS001-copie-1.jpg

 

Poursuivant notre voyage en pays de littérature, j'avais envie de lancer une incursion vers les bases de l'écriture. Nous savons, ou du moins nous entendons, nous prouvons, nous supportons chaque jour les dégats centraux, latéraux, collatéraux et pire encore de la lecture globale doublée de l'écriture globale qui casse les esprits, pervertit les relations humaines, et nourrit la barbarie de demain... un demain qui s'est déjà levé.

 

Alors, plutôt que de me lancer dans un énième article argumenté de neuro-sciences, je cède ma place à un sage réputé, l'émir Abd el-Kader, dans sa Lettre aux Français (traduction de René Khawam; éditions Phébus 1977). Voici le texte de l'émir datant de 1855:

 

Les lettres de l'alphabet arabe sont plus nombreuses que celles des autres nations. Elles sont au nombre de vingt-huit, groupées dans l'ordre suivant: Abdjad hawwaz houty kalmane sa'fas qarachte thakhadh dazagh. Cette classification a pris le nom d'"Abdjad" puisqu’elle comprend huit mots retenus partout, dont le premier est "abdjad" , classification qui reprend toutes les lettres de cette langue sans en répéter une seule. La coutume s'est donc établie de faire retenir celle-ci de mémoire par les débutants, après leur avoir appris à distinguer les lettres alphabétiques simples et composées, en usant de ce classement "naturel" qui a au moins le mérite d'inciter l'esprit à saisir rapidement et à retenir efficacement les données fondamentales de la langue. Le principal bénéfice qu'on en retire est de faire comprendre au débutant, après saisie des lettres simples et composées, que les mots sont le résultat de l'association originale de trois ou quatre lettres, afin qu'il se familiarise rapidement avec les mécanismes d'opposition entre ces lettres et qu'il puisse aborder plus facilement l'étude des mots essentiels de la langue.

 

Il y a encore une autre utilité à ce système: on habitue ainsi les débutants à retenir des mots dotés d'un certain sens, après leur avoir appris une succession de lettres réunies en un ensemble apparemment privé de sens. Car la présente formule induit en réalité les mots suivants:

 

abdjad signifie: il a pris

hawwaz signifie: il a composé

houty signifie: il est arrivé au but

kalmane signifie: il s'est mis à parler

sa'fas signifie: il a pris de la vitesse dans l'instruction

qarachte signifie: il l'a saisie par l'esprit

thakhadh signifie: il a retenu de mémoire

dazagh signifie: il a complété.

 

Après cette merveilleuse approche de l'instruction, je me sentirais privé de mots pour apprécier cette connaissance subtile si le "dazagh" ne m'offrait la possibilité et même le devoir de poursuivre. On objectera que l'instruction, si bien menée soit-elle, n'empêche pas les conflits. J'en suis intimement persuadé lorsqu'on évoque des entités de regroupement (pays, nations, états, clans, ethnies, tribus etc. jusqu'aux familles). Plus bas encore, nous le constatons chaque jour d'individu à individu.

 

Il n'empêche que si la construction de l'être humain passe obligatoirement par des zones de turbulence, elle ne pourra accéder aux zones de calme que par la découverte réfléchie d'un soi chez l'autre, et d'un autre chez soi. Cela est possible sans rien négliger de sa propre essence, ni chez l'un, ni chez l'autre. Mais encore faut-il s'être donné les moyens de la connaître et de ne pas tomber dans le piège de confondre idéal de groupe et groupe idéal, ou pire encore, de vouloir éliminer l'un des deux, ou les deux.  Cela mérite discussion que nous reprendrons. Ici ou par LETTROPOLIS.

 

 

 

 

 

 

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  • Pierre-François GHISONI
  • la littérature en partage
L'homme avant les termites
L'idéal sans l'idéologie
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