Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 décembre 2009 5 18 /12 /décembre /2009 21:23

 

Les causeries du lundi de Sainte-Beuve nous ramènent aux années 1849 à 1862. Le second empire était en plein essor. Rousseau était mort depuis environ soixante-dix ans, c'est-à-dire, avec nos critères d'aujourd'hui, que son œuvre était tombée dans le domaine public.

 

Il est des époques de la littérature française qui rapprochent des paires conflictuelles, pour le plus grand bonheur des dissertations classiques. Corneille et Racine en fournissent un bel exemple, Rousseau et Voltaire un autre. Dans le cas de ce dernier duo, la particularité est d'avoir, chacun à leur façon, attisé quelques brandons qui devaient allumer un certain feu en 1789. Mais lorsque celui-ci éclata, il y avait plus d'une décennie que leurs cendres avaient refroidi. Dormaient-ils contents...? Cela est une autre histoire.

 

Quoi qu'il en soit, et sans prendre part à leurs démêlés, car ces deux-là se haïssaient bien, il faut bien reconnaître leurs talents différemment orientés. Si Rousseau peut, avec de forts arguments, être considéré comme le plus proche ancêtre du romantisme, Voltaire fait figure de fine mouche à vinaigre. Le bonhomme et le lutin n'en ont pas fini de séduire des générations de littéraires qui s'échinent à défendre leur héros en minimisant leurs travers. Chose curieuse, les curiosités biographiques de Rousseau sont plus répandues dans le public que celles du Voltaire méconnu. Peut-être le Genevois n'avait-il pas la malice de l'Arouet, pour ne pas dire plus. Peut-être était-il finalement plus franc, au moins en quelques occasions. Les Confessions en sont déjà une belle preuve, la correspondance une autre, bien différente de celle de Voltaire qui n'est jamais bien éloignée de rajouter un trait flatteur à son auto-portrait.

 

C'est ce que souligne Sainte-Beuve, lorsqu'il évoque certaines lourdeurs de style qui sentent encore le valet, certaines ouvertures qui en disent trop: "il ne semble pas se douter qu'il existe certaines choses qu'il est interdit d'exprimer".

 

Encore, tout cela ne serait-il que fariboles littéraires, si le brave homme ne s'était mis à donner du crâne contre les grandes questions des nations. L'Émile et le Contrat social en sortirent. Peut-être était-ce dans l'air du temps? Peut-être les mêmes titres issus de la pensée d'un froid et digne juriste auraient-ils glissé aux oubliettes de l'histoire? Ce ne fut pas, et Rousseau lui-même, s'abandonnant un jour, lors d'une conversation avec le philosophe Hume, déclara : "mais je crains toujours de pêcher par le fond, et que toutes mes théories ne soient pleines d'extravagances."

 

Théories pleines d'extravagances, l'Émile et le Contrat social, semblent pourtant avoir acquis droit de cité... et l'on voit le résultat.

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Profil

  • Pierre-François GHISONI
  • la littérature en partage
L'homme avant les termites
L'idéal sans l'idéologie
  • la littérature en partage L'homme avant les termites L'idéal sans l'idéologie

Recherche