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6 juin 2010 7 06 /06 /juin /2010 21:34

 

 

Ce samedi après-midi 5 juin 2010, Bernard Stiegler a fait une conférence à Épineuil-le-Fleuriel sur le thème de l'attention. Jeu de mots mis à part, le sujet méritait que l'attention y fût portée. Et parlant du sujet, c'est associer le philosophe et le thème.

 

Il s'y autorise lui-même, précisant que les philosophes sont des "bagarreurs", émaillant son entretien d'exemples issus de l'histoire de la philosophie, et montrant combien la fonction de philosophe était indissociable d'autres, comme celles de médecins, d'astrologues, de physiciens, et non des moindres, opposants aux systèmes en place. Copernic, Newton furent de la fête, mais également Thalès et Socrate pour qui Bernard Stiegler montre une affection non dissimulée... et pour Jésus aussi.

 

L'homme, donc, pousse à la réflexion au cours d'une approche qui saute gaillardement d'un siècle à l'autre, d'une pensée générale à une semi-confidence. Ainsi lorsqu'il fustige l'emprise de la télévision sur les jeunes cerveaux, il rejoint immédiatement Socrate, condamné à la cigüe par les sophistes, manipulateurs de cerveaux immatures : ironie du sort, ou magnifique manipulation mentale de ceux qui accusèrent leur célèbre accusé d'avoir justement "perverti la jeunesse". Ah! Ces Grecs, leurs sous-entendus et leurs cadeaux...! Ce qui ne l'empêche pas de revenir aux statistiques du temps passé par les enfants américains devant leur télévision, de poser la différence entre les cerveaux ainsi placés en "dysconnexion permanente" (ce terme m'est personnel) et ceux de leur professeur concluant au "gap neuronal" (je me permets une autre de mes expressions) entre eux et lui, et au célèbre trouble associant le déficit de l'attention et l'hyperactivité.

 

Tout cela passe par la mémoire bien comprise, non pas comme un empilement de réponses automatiques pour être sacré champion à un célèbre jeu télévisé (encore la télé!) mais comme un positionnement structuré de l'intelligence des intelligences pour reprendre l'exposé de Bernard Stiegler, qui ne néglige pas les classiques approches du chasseur, de l'agriculteur et du concepteur. Ainsi, retour à Milet (non pour l'angélus) mais pour un certain Thalès, cher à nos souvenirs de géométrie, et plus cher encore à notre vie sociale si nous comprenons que l'important n'est pas de réciter sans comprendre, mais de retrouver, ou de savoir que l'on pourrait en retrouver la démonstration, et qu'un soin commun des connaissances, voulu par Jules Ferry, est le ciment fondamental d'une société... si elle ne veut pas se laisser aller à l'abîme.

 

Comme le cardiologue intègre la charge du travail cardiaque entre pré-charge et post-charge, Bernard Stiegler insère l'attention entre dé-tension et pro-tension, avec tous les sens permis par le jeu orthographique des consonnes et des préfixes. Cette attention donc, prise entre la mémoire partagée et la satisfaction impulsive des besoins, entre la conscience flottante et la barbarie, nécessite un mobilisateur fort et des réseaux amateurs. Ainsi le Jules Ferry de 1882, par son école obligatoire rejoint les préoccupations restructurantes de mémoire et d'attention sociale que Bernard Stiegler, stimule dans son parcours universitaire, autant que dans son intention de créer un pôle philosophique et numérique à Épineuil- le-Fleuriel.

 

Le temps passait, à son rythme, nous sautions les siècles, un thème enrichissant l'autre, récoltant les idées, comme celle de la vitesse, corollaire nécessaire de l'enseignement, vitesse qui nous oblige à résumer le passé, ou plus exactement à le compresser sans le dénaturer, récoltant une envie de poursuivre à la recherche des logiciels à "faire du Zola au kilomètre" et oui, cela existe, comme la musique, et aussi comme les pseudo-entretiens érotiques ou une autre, comme la nécessité de compiler Husserl sur informatique pour en tirer la substantifique moelle, bref des fiches pour l'histoire, à condition de ne pas en refaire une histoire des fiches.

 

Ce genre de conférence heurte volontiers les adeptes des cours montés comme une architecture classique. Peut-on dire que l'on voit à l'œuvre une intelligence en réseau, déjà un modèle des audaces que Bernard Stiegler souhaite, avec le consumérisme dévoyé en ligne de mire ?

 

En tout cas, le choix de l'implantation n'est pas dénué de sens, pris entre la mémoire du grand Meaulnes et la première publication numérique de Lettropolis... conforté par le petit buffet qui suivit, fort sympathique et prometteur.

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  • Pierre-François GHISONI
  • la littérature en partage
L'homme avant les termites
L'idéal sans l'idéologie
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