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2 juillet 2009 4 02 /07 /juillet /2009 19:48

La Princesse de Clèves.

Ou :

dis-moi ce qu'il hait lire et je te dirai qui ne pas élire.


 

Faut-il vraiment être un examinateur sadique pour interroger un candidat à l'ENA sur le roman de Madame de la Fayette: « la Princesse de Clèves »?

 

La réponse est clairement positive pour qui considère que ce roman sort des oubliettes de l'histoire, enveloppé d'un nuage de poussière et d'un fatras de préciosité littéraire dépassée.

 

Mais qu'adviendrait-il si un personnage d'importance, un chef d'État, s'en tenait à ce regard incomplet, à cette appréciation lapidaire?

 

Il aurait manqué de comprendre tout qui se joue dans ce livre: le mécanisme de questions à-demi formulées, la recherche du renseignement adéquat, la perception du vrai sens d'un discours de convenance, la confiance que l'on peut accorder à tel ou tel personnage, à partir d'indices soigneusement critiqués au filtre d'une intelligence sociale attentive au moindre sourire, à la plus fugace hésitation. Il aurait manqué l'escalade de conséquences inattendues que provoque un faux pas, une démarche téméraire, une déclaration inappropriée. Bref, il aurait manqué la mise en forme d'un jeu diplomatique dont les règles n'ont pas subi autant de modifications que pourrait le croire le premier quidam venu.

 

Il aurait également manqué cette longue dissertation sur le conflit entre la passion et le devoir, cette prise en tenaille de la raison et du sentiment, du corps et de l'esprit, ce malaise que chacun positionne à son échelle, selon ses propres critères, et vit selon ses pauvres forces ou ses belles faiblesses, parfois à en mourir.

 

Il aurait également manqué le substratum logique par lequel l'histoire tout entière se déroule sans monotonie, tout en annonçant le drame inéluctable.

 

La « Princesse de Clèves » n'est pas roman sucré pour collection rose. Bien au contraire, c'est un précis de diplomatie, un manuel de logique, un traité de psychologie, et finalement, un drame profond.

 

Tout bien réfléchi, il serait sadique de lancer un impétrant dans la carrière sans lui fournir l'occasion de méditer cette œuvre.

 

Peut-être n'est-il pas trop tard...

 

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  • Pierre-François GHISONI
  • la littérature en partage
L'homme avant les termites
L'idéal sans l'idéologie
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