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20 septembre 2009 7 20 /09 /septembre /2009 17:30


La route d'Ellsworth mène au soleil retrouvé. Retrouvés aussi sa fierté et cet air de santé de l'ami qui se fait fort de nous tenir belle et bonne compagnie. Pendant que le grand ouest l'attend, nous nous posons au port d'Ellsworth, où convergent d'autres visiteurs. Un concert en plein air était prévu, avec les réserves d'usage liées au temps, réserves heureusement levées. Ce soir, les musiciens ont prévu, organisés en big band, de retrouver les standards du genre. Arrivent des spectateurs de tous âges, qui en couples, qui en groupes, avec ou sans chaises pliantes. Chacun trouve sa place, à l'américaine, sans façons, en toute simplicité, et chacun profitera de la musique selon son humeur. Deux bonnes rangées d'auditeurs que l'on qualifierait de "consciencieux" font face au kiosque, qui, en fait, est maintenant entouré d'une foule disparate. L'animateur ouvre la séance avec un remerciement général, sans oublier la générosité du temps qui a évité d'annuler le concert. Et nous voici partis pour une grande heure de plaisir musical. Évidemment, les habitués des musiques du jour ne s'y retrouveraient pas, et comme je sous-entends tous les sens de ce verbe, je n'en suis que plus satisfait.



Il est toujours étonnant et enrichissant d'observer le comportement d'un groupe qui n'est ni tout à fait le nôtre, ni tout à fait étranger. Cela impose de disséquer des faits qui, dans un environnement habituel, passeraient inaperçus, ou emprunteraient de façon préférentielle la voie du sentiment ou du jugement. D'une certaine manière, il faut devenir peintre, ou photographe, ou témoin, et esquisser les premiers pas qui mèneraient au professionnalisme du sociologue. Sans y prétendre, les images reviennent.



C'est une petite fille d'environ cinq ans, qui cabriole et gambade. Certains diraient qu'elle danse. Je préfère penser qu'elle et la musique s'accompagnent dans la joie et le rythme partagés. Elle est gracieuse, c'est-à-dire non affectée, prise dans son monde, sans la terrible préoccupation d'attirer les regards par laquelle les plus beaux fruits se gâtent. Sa robe parme tranche sur le gazon teinté des rayons du couchant, et ses gigues la font virevolter au-delà des limites que sa maman, qui l'accompagne, ne pourrait se permettre. Alors, le monde est beau, simplement beau.



C'est un fort bonhomme à demi-masqué par une haie. En émerge sa lourde carcasse vêtue d'un maillot de corps bleu sans manche. Sa tête est ronde, surmontée d'un chapeau de brousse sur lequel des médaillons multiples racontent une histoire que je ne sais pas déchiffrer. De grosses lunettes noires et une barbe blanche plus que fournie achèvent de l'imposer, non dénué d'une certaine aménité. Un sculpteur romain l'aurait choisi comme modèle du dieu d'un grand fleuve.



C'est un groupe d'enfants qui courent et jouent alentour, de toute leur vivacité, de toute leur vitalité. Et pourtant, nul hurlement ne s'élève. Nul besoin de rappels à l'ordre, de ces "chuts" aussi exaspérants et inutiles que les bruits qu'ils sont censés faire cesser, par lesquels les bons parents français signalent leur bonne volonté dépassée. Ce n'est pas la première fois que je constate cela dans des groupes américains. Sans en faire une règle générale, n'en faisons pas non plus une exception... ou une nouvelle de science-fiction française. Et place à la musique!



Place à la musique aussi pour ce couple qui a amené sa table et ses chaises pliantes et qui joue tranquillement aux cartes. Poker? Belote? Bataille? Place à la musique encore, lorsqu'une brave dame arrive avec son petit chien dans ses bras. L'organisatrice intervient alors, et la dame s'en retourne, sans mot dire. Crainte des aboiements, des morsures, ou des germes?



Mais place aussi aux musiques intérieures. Celles que nous n'entendrons jamais, qui transparaissent parfois sur les visages, sur les corps. J'ai oublié quel observateur des célèbres "massacres de Chio" déclarait que, dans chaque groupe, ressortait un personnage plus dramatique. Le nôtre est là, ou plutôt, elle est là, assise dans l'herbe, mince, les mains croisées sur ses genoux pliés. La discrète arcature de son corps semble céder par moments à quelque fatigue impromptue, et quand elle la surmonte, sa tête y répond avec un certain retard, pendant que son regard se porte vers un lointain invisible à nos yeux. A-t-elle quarante-cinq ans? Cinquante? Questions indiscrètes? Peut-être, mais questions inéluctables, nécessaires, émergeant de ce visage émacié, de cet apparent détachement qui porte son mystère. Au jeu des ressemblances on devine la mère, sous un ample chapeau noir, habillée de ces vêtements de bon ton dont la simplicité apparente porte la marque du luxe aisé. Elle domine, sur le banc de cette table de gros bois. On l'imagine quelques décennies plus tôt, lumineuse de toute la grâce de ces filles de la Nouvelle-Angleterre. Maintenant, l'âge et quelque plaie secrète l'ont rejointe, auxquels elle fait front de ses rides et de sa fierté. Elle ne regarde pas sa fille. Elle sait. Elle sait que celle-ci, en qui elle se voyait revivre, décevra ses espoirs. Pourtant, la même silhouette attirant le crayon de l'artiste, la même élégance de vie, un pantalon noir ajusté, une chemisier blanc à faire frissonner les cœurs, de délicates sandales rouges assorties à son foulard, qui masque, à peine, sa canule de trachéotomie...



La chanteuse reprend: I did it my way.



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19 septembre 2009 6 19 /09 /septembre /2009 19:44


Non, nous n'avons pas rejoint la verte Erin, mais une ville homonyme, dont on peut facilement deviner la provenance de certains citoyens. Et à propos d'homonymie, n'oublions pas le Belfast (ou plutôt "la" Belfast, comme disent les anglophones) un bateau à vapeur surnommé "La Grande blanche" qui fit la traversée de nuit vers Boston, de 1910 à 1935. Sa sirène était impressionnante, raconte-t-on. Nous parlons de sa façon de s'annoncer, et non de la belle Carrie Greenlaw, élue plus jolie fille de la ville qui le (la) baptisa d'une bouteille de champagne. Espérons qu'elle eut droit à un coupe en cette occasion.



La ville a connu un certain déclin qu'elle a su compenser en offrant aux touristes routiers ou marins sa belle architecture aux frontons attrayants: un petit voyage dans le passé qui en séduit plus d'un. Nous en faisons partie.



La bibliothèque mérite aussi une visite, car elle donne l'occasion d'entrer dans une atmosphère de vieille demeure cossue. On y retrouve la grande table et les fauteuils ancien style; un immense piano attend peut-être qu'une jeune fille en robe longue vienne y faire ses gammes, sous le regard sévère des portraits de famille. Il ne nous a pas été permis de nous en assurer, mais la nuit, qui sait...?



Belfast est une autre étape pour les homards. Je veux dire, pour ceux qui atterrissent dans notre assiette. Mais quelle ville, quel village du Maine échapperait à ce qualificatif? Enfin, si Sherlock Holmes consultait ces lignes, il nous aurait assez vite retrouvés.



Belfast... la saveur des petites villes américaines. Le passé retrouvé... un cadeau au présent.



Mais, la suite au prochain numéro...

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18 septembre 2009 5 18 /09 /septembre /2009 16:54


Cela fait quelques jours que je remarque un charmant monsieur se rendre sur son petit voilier amarré dans le port. Il utilise un kayak gonflable d'un modèle qui m'intéresse. Je le questionne à ce sujet, et de fil en aiguille nous abordons tranquillement les grands problèmes du monde. J'aime son regard tranquille et ferme, ses convictions honnêtes, quelque peu idéalistes, et son ouverture d'esprit qui le pousse aussi vers des rives artistiques inattendues. Le temps ne pouvant nous jouer trop longtemps un aussi mauvais tour se découvre peu à peu. Alan scrute les nuages, et un matin, il frappe à notre porte: "vous venez faire un tour en mer?". Autant demander à un poisson. C'est parti, avec soleil en prime.



Nous embarquons dans le petit voilier de six mètres cinquante qui se dirige maintenant vers le large, nous procurant tout ensemble un beau plaisir et une leçon d'anglais maritime: il vaut mieux savoir ce que dit le commandant. Celui-ci est tout patience et observation. L'air de rien, il sait rectifier un geste, montrer sa connaissance des lieux, tout en poursuivant nos conversations. Nous doublons le cap de Owl's head, qui m'avait inspiré quelques vers la semaine précédente. Mais aujourd'hui la brume a laissé place au soleil. Une pensée cependant pour les anciens gardiens et le bon chien Spot. Maintenant nous nous dirigeons vers North Haven, que nous atteindrons en près de trois heures. Le trajet est ponctué de bouées repérant les casiers à homards. Leur multiplicité a amené Alan à changer son moteur d'origine pour un hors-bord qu'il relève pour éviter toute prise de corde dans l'hélice. De toutes façons, Alan est un pur de la voile, et j'en aurai la preuve par la suite.



North Haven offre le paysage d'un beau chenal traversant des rives surélevées sur lesquelles de merveilleuses maisons offrent leurs façades quasi cinématographiques. Nous évoluons tranquillement entre les bouées et les bateaux. Alan m'explique qu'avec du temps nous pourrions avancer, et faire le tour des îles. Avec du temps... Bref, l'eau à la bouche... Mais, à rebrousser chemin, nous ferons face au vent et à la marée. Qu'à cela ne tienne. L'équipage est paré et le capitaine connait son affaire. Il faut le voir nous mener dans cet espace restreint, en limite des bateaux et des hauts fonds, et, presqu' à toucher, nous faire virer de bord. Une fois, deux fois, dix fois, et plus encore, nous recommencerons, finissant par considérer comme normal ce petit jeu où la moindre fausse manœuvre pourrait, à tous les sens, mal tourner.



C'est le retour. Le vent fraîchit, nous obligeant à ce petit air penché et humidifié qui est le propre de tout voilier trouvant son élément naturel. Là encore, quelques bords seront nécessaires pour doubler le cap, mais nous avons toute la place. Une broutille...



Au port, Alan poussera le jeu jusqu'à aborder la bouée à la seule voile: un petit exercice que les plaisanciers apprécieront, et que tous les ports n'autorisent pas.


Une bonne collation dans le camion sera notre récompense à tous les trois. Alan nous quitte. Il reviendra naviguer dans deux jours, et nous serons partis. Mais qu'importe! Nous avons fait mieux qu'aller sur l'eau, nous avons empli notre sac à rêves, et je sais qu'Alan poursuit les siens, au piano, lorsqu'il joue "la Fille aux cheveux de lin", devant ses tableaux, en amoureux de Rouault, ou au cours de ses pérégrinations marines. Mais quoi de plus normal, pour ce jeune homme de quatre-vingts ans!

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18 septembre 2009 5 18 /09 /septembre /2009 16:42

Le temps se découvre à son rythme, mais avec une modestie de jeune fille, ce qui ne nous incite guère à quitter la ville. Les trajets de la bibliothèque à notre débarcadère et aux différents magasins occupent l'essentiel des déplacements de notre véhicule, surtout pour recharger quelque peu les batteries. À l'occasion d'une de ces rotations nocturnes, le brouillard plus que tenace impose d'allumer les codes. Mais... rien ne se passe. Essais de fusibles sur le parking, rien n'y fait. Je tente ce que la maréchaussée n'apprécierait pas (et que je n'ai pas apprécié davantage): le retour, seulement éclairé par les feux de détresse. Heureusement que j'ai maintenant le trajet en tête, à défaut de l'avoir clairement devant les yeux. Le lendemain matin, les lumières s'allumeront comme par enchantement. Premier mais non ultime épisode de ce style.



Outre ce petit incident, notre séjour au débarcadère se prolongeant, nous faisons des rencontres amusantes avec les propriétaires de chiens dont c'est la promenade favorite. Il y en a de toutes les tailles et de toutes les races, et je suis toujours surpris de constater la parfaire civilité de ces animaux. En une bonne semaine, je n'ai assisté à aucune bagarre entre animaux cherchant à se montrer dominants.  Même les aboiements sont rares. Tout se passe comme si l'agréable urbanité des habitants du Maine, donnait l'exemple à leurs compagnons canins. Je dois ajouter que cette constatation peut être faite en différents endroits des USA. Chiens français (et maîtres) prenez-en de la graine!

 

Petit à petit nous apprenons à nous connaître, à faire un brin de causette, pendant que les balles projetées à l'aide de la version moderne du propulseur, digne descendant de l'ancêtre néolithique, lancent les toutous à la course. Un souvenir ému pour Gunner, un beau labrador noir, grand amateur de natation, qui fit enrager sa maîtresse près de trois quarts d' heure sur la rive, pendant que monsieur faisait des ronds dans l'eau, feignant de prendre pied, puis repartant tout content pour un petit tour de nage. Nous essayâmes de l'attirer par des signes, des flatteries, des appels réconfortants, puis des tranches de saucisson, et des saucisses, que le brave nageur ignorait superbement. Pendant ce temps la maîtresse se désolait et trépignait, devant se rendre à son travail, menaçant entre ses dents: "Gunner! I'll kill you:" Enfin le beau labrador consentit à venir s'ébrouer avant de monter en voiture, satisfait. Le lendemain, il était consigné, pendant que les trois autres chiens de la maison, étaient autorisés à gambader.

Qu'a-t-il pu faire après notre départ?

La suite...

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15 septembre 2009 2 15 /09 /septembre /2009 18:01



Rockland serait-elle une ville hantée? C'était à voir. L'apparition des Ladies of the lake prévue en ce trois juillet au Rock City Books and Coffee pouvait tenter quelque Lancelot de passage. J'y fus. Le lieu est attrayant, dépaysant. Livres et boissons font bon ménage. On peut déambuler dans le petit dédale des rayonnages, s'attarder au bar, ou revenir en devanture, et, assis au spectacle de la rue, savourer boisson ou lecture de son choix. Ce soir, à l'heure de la musique celtique, je voulus ajouter la touche festive d'une bière, de préférence irlandaise. J'avais oublié un détail: pas d'alcool en ces lieux. Un chocolat chaud ferait l'affaire, une bonne place devant l'estrade, et ...



... les voici: quatre sourires, quatre pétillements de malice dans le manège des instruments que l'on met en place, des accords que l'on reprend, des réglages de la sonorisation. Et la musique prend les cœurs. Elles chantent et s'accompagnent avec guitares, harpe, flûtes, violon, accordéon, bodhran. Brune, blondes et rousse mènent à un enchantement que nulle bière n'aurait offert. La musique celtique est leur vie. Elle sonne dans le Maine, mais elle résonne aussi des vieux fonds irlandais et écossais dont elles sont héritières. Les dames nous plongent dans la nostalgie d'un pays lointain, la légèreté d'une ballade, la douceur d'une berceuse, ou la gaité d'une danse, et toujours, la grâce illumine leurs visages. Elles sont plus belles que belles, elles touchent à la beauté et nous la transmettent.



Oui, il y a des apparitions à Rockland, heureusement.

Et il y a aussi un disque pour en conserver quelques traces:

Follow me down

www.ladiesofthelakemusic.com















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10 septembre 2009 4 10 /09 /septembre /2009 17:34

Notre prochaine étape est Rockland. Mais il semble que la météo nous accompagne obstinément de ses facéties cotonneuses et humides. Même les locaux s'en étonnent, mais ils n'ont pas comme préoccupation première de découvrir le paysage; nous oui. Décision est donc prise de stationner à Rockland en attendant de meilleures conditions. La ville offre de nombreux attraits. Le premier est de pouvoir stationner en bord de mer, près d'un débarcadère, dans un bel espace verdoyant qui se peuple périodiquement de chiens accompagnant leurs maîtres pour une promenade festive. Le deuxième est d'avoir une belle bibliothèque, et le troisième est de posséder suffisamment de galeries d'art pour ravir touristes et amateurs. Mon tout offre la saveur d'une petite ville américaine.

 

Cette bibliothèque est la première de la longue série de celles qui nous accueilleront. Elle est située en plein centre ville, mais bien dégagée, donnant sur des espaces verts et des allées tranquilles et ombragées. Il suffit d'entrer, de dire bonjour, et de s'assoir. L'accès à internet y est immédiat et rapide.

 

Tant par sa construction que par sa disposition intérieure, ses boiseries, ses larges travées aux petites tables de quatre, ou sa grande pièce d'accueil aux fauteuils confortables, son salon réservé aux seuls membres de droit, elle évoque une ancienne demeure de notable généreusement offerte au public. Plus précisément, il faut évoquer ici le nom d'Andrew Carnegie qui offrit 20 000 dollars au début du siècle dernier, ainsi que les actions et les dons ultérieurs pour surmonter les difficultés économiques. Les silhouettes découpées grandeur nature des anciennes bibliothécaires semblent nous accompagner dans nos recherches.

 

Pour passer d'un siècle à l'autre, dans une autre aile, deux ordinateurs sont exclusivement destinés aux adolescents. Je constate que leurs occupations fondamentales les conduisent à des jeux dont je saisis mal l'adéquation à cette ambiance et à ce lieu. Il y a de nombreuses planètes en ce monde. Un coup d'œil sur certaines autres me suffit avant de revenir sur la mienne.

 

Le compartiment de psychologie est fortement chargé d' ouvrages dont l'immense majorité ne connaîtra jamais de traduction en français. Nous touchons du doigt le fossé qui sépare notre production livresque de celle des USA. Sans parler de la qualité de ces écrits, l'importance des universités américaines, couplée à celle du marché dans lequel ils se distribuent, offre des possibilités inconnues à nos auteurs français. Le reste est à l'avenant. Je note aussi la grande quantité d'œuvres enregistrées. Par contre, il est bien difficile de dénicher la petite étagère de romans francophones, dont certains proviennent du Canada.

 

Nous ferons de la bibliothèque de Rockland notre quartier général pendant une bonne semaine.

 

 

 

 

 

 

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7 septembre 2009 1 07 /09 /septembre /2009 17:46




Une des questions fondamentales de la vie est l'embarras du choix; en voyage aussi, lorsque tant de petites routes, mènent à tant de paysages merveilleux. Il s'agit de s'entendre sur cet adjectif, de ne pas le réduire au seul pittoresque, de dépasser le sens esthétique, de s'ouvrir à la mer omniprésente, et de se laisser porter. Même par la route, un voyage au bord de la mer se double d'un rêve infini.



L'étape suivante mène à Newagen, autre pointe du désir de la terre, sculptée de glaciers disparus, réchauffés et fondus à une époque où le monde se laissait aller à ses caprices, c'est-à-dire à quelque loi incompréhensible pour la petite cervelle de la bestiole à deux pattes. Pour l'instant, un débarcadère plonge dans le cuivre du soir. De temps à autre un bateau s'y amarre. Une petite île où une maison se love entre les arbres contrôle deux passes qui ouvrent sur l'océan et sa longue respiration. Le monde est beau.



Cependant, le temps a décidé de se livrer à ses fantaisies, le brouillard se met de la partie, tenace, enveloppant. Il assourdit tous les bruits et nimbe chaque silhouette d'une dose de mystère. Pourtant, le brouillard, n'est que du brouillard, après tout: une suspension de gouttelettes d'eau obéissant à des contraintes physiques calibrées par l'homme pour son usage personnel. Il se ressemble en tout point de la terre. Oui, mais nul point de la terre n'est identique à aucun autre. Le brouillard de Newagen va nous accompagner, ouvrant parfois des fenêtres inattendues, le plus souvent tenace, maître des lieux, comme pour nous donner une leçon de vie: profitez des moments de beauté que je vous livre, et laissez s'accomplir les forces du monde. Le brouillard est la forme suspendue du temps. C'est ainsi qu'il faut comprendre la scène du film Amarcord dans laquelle le personnage, désorienté, incapable d'ajuster sa vue ou ses mouvements, se livre à la grande attente: "c'est peut-être cela, la mort..."



Mais nous vivons d'autant plus, nous adaptant à ses rythmes, estimant de nouvelles étapes, ouvrant nos yeux à d'autres réalités. Newagen n'est pas le port de l'angoisse. C'est celui des formes multiples de la beauté.

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7 septembre 2009 1 07 /09 /septembre /2009 17:39
Il est difficile de se détacher de ce bel endroit, qui donne autant envie de se poser que de la parcourir, chacun à sa mesure. Nous jouissons des paysages côtiers et marins, de notre point de vue terrestre, parfois quelque peu surélevé. Mais d'autres expériences seraient tentantes. Ce kayak le démontre. Des rêves un peu fous pourraient nous emporter vers des traversées inutiles, aussi inutiles que toutes les conquêtes, pourrait-on dire... Pourraient dire des esprits lucides, trop lucides? Contentons-nous de saluer, d'échanger quelques mots, et de suivre nos chemins de terre ou d'eau.

De temps à autre, le temps se couvre, le gris du ciel tâche de s'emparer du moral; peine perdue. Avec un bon chapeau de pluie et l'équipement adapté, la route nous fait du pied. Invitation acceptée. Nous flânons le long de plages flanquées de maisons à faire rêver. Les boîtes aux lettres sont illustrés de peintures, ou de quelques fantaisies qui feraient déjà frémir notre organisation postale française. Et encore, je constate une certaine retenue. Cela me remémore un vieux documentaire tourné par Charles Kuralt aux États-Unis, il y a environ 20 ans, où l'inventivité américaine se donnait libre cours. Les boîtes aux lettres devenaient d'étranges machines animées, des camions, des téléphériques, des tonneaux, et autres délires qui, cette fois, auraient mené notre jacobinisme français au bord de la crise.

Faut-il se laisser emporter par la beauté des paysages? Oui, certes, mais sans la dissocier de l'organisation humaine qui s'y développe. Si l'on remarque bien, il existe une énorme quantité de chemins dont il est parfois difficile de deviner s'ils mènent vers quelque coin bien tranquille, ou vers une maison qui se voulait tout aussi tranquille... mais qui nous prive d'un accès vers le domaine maritime, qui, quoi qu'on en dise, reste public. Bien souvent, le panneau "private" nous en éloigne. Mais bien souvent, "lane" ou "road" ne débouchent que chez des particuliers. J'aurai l'occasion de revenir sur ce point, qui, ici, reste acceptable, compte tenu des possibilités restantes et de l'accueil aimable dominant, mais qui, au cours du voyage pourra devenir lassant.

Pour ne pas passer pour un naïf aveuglé par son enthousiasme, je dois signaler, une fois, un réveil désagréable dans un petit port où j'avais garé le VW, sur un terrain libre, non signalé de quelque façon qui fût. Acceptons le marin rugueux, la grognasse du matin, ses cheveux sales et son comportement alcooliforme, pour bien rendre vie à la bonne vieille sentence: l'exception confirme la règle.
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3 septembre 2009 4 03 /09 /septembre /2009 18:11

 

 

Un lac, si beau soit-il, ne saurait nous retenir au-delà du raisonnable, car la mer attend. Enfin, je l'attends, et plutôt que de me laisser aller à une quelconque spéculation sur sa montée prochaine et cataclysmique, cap au sud-est.

 

Il y a peu de chance que le nom d'Harpswell sonne familièrement à vos oreilles. Les curieux se diviseront en trois catégories: les rapides, avides de géolocalisation par Internet, les classiques, déployeurs de cartes imprimées (prenez vos lunettes), et les flâneurs, qui tenteront de suivre notre route, au risque de nous retrouver, ou de découvrir encore d'autres merveilles. Car Harpswell est une petite merveille, au sens où je l'entends: une indentation rocheuse qui se lance vers l'Atlantique, osant encore un brin de presqu'île, si minime que j'ose à peine emprunter le mot; un dock de pêcheurs de homards, quelques bateaux à l'amarre, et un semis de maisons toutes plus charmantes les unes que les autres, dispersées de telle façon que chacune répond à l'autre sans l'assaillir. On se prend à rêver, on s'imagine sur sa terrasse, laissant au temps le soin d'accompagner notre vie sans heurts, oubliant le tohu-bohu de nos bonnes villes françaises.

 

Rêveur, me direz-vous! Vue superficielle, impression de vacancier, trompe-l'œil! J'admets le questionnement, mais non le jugement, encore plus superficiel. Car il est des signes qui ne trompent pas. L'accueil des riverains en est un, la discussion avec les pêcheurs un autre, et pour qui a quelque peu roulé sa bosse et senti d'autres atmosphères que celle de la campagne française, la différence est notable. Je veux bien admettre qu'une trace de dépaysement embellisse le paysage, mais de là à le falsifier, non! Ce serait avouer une dénaturation totale de mon regard ou de ma pensée. Je n'en suis pas encore là, si je dois y arriver un jour.

 

Les promenades sont enchanteresses, et les rencontres toujours accueillantes. Et comme il s'agit de notre deuxième venue sur ce petit bout de fin du monde (qui heureusement en compte tant d'autres) nous échangeons nos petits souvenirs communs avec les voisins.

 

Le beau ciel se met de la partie pour nous offrir d'autres cadeaux. De l'autre côté du petit golfe, le "Dolfin" nous attend. Nous savourons d'avance sa vue, son ambiance de chantier naval, ses homards, ses muffins aux blueberries (myrtilles) ses tartes de la même cueillette, et nous saurons agrémenter le tout d'un malbec argentin plus que convenable. (Vignerons français, à votre santé!)

 

Et la suite, au prochain numéro...

 

 

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2 septembre 2009 3 02 /09 /septembre /2009 18:31



Bien entendu, dès le lundi matin, nous sommes au rendez-vous de notre RV dealer. Une salle d'attente est à notre disposition, avec café à volonté, fauteuils dignes d'équiper les camping-cars les plus luxueux (comme le nôtre paraît petit à côté!), et accès internet. Nous voici parés. Un long tableau affiche les photos de voyageurs itinérants qui témoignent de leur satisfaction des services rendus; un bon nombre de couples, manifestement retraités, posent avec leur compagnon à quatre pattes, dont la taille est inversement proportionnelle à celle de leur véhicule.



Nous parlions de salle d'attente bien équipée, et heureusement, car les heures s'allongent. La même équipe que vendredi s'affaire autour de notre "chum" (mot anglo-canadophone pour "copain"). De temps à autre je les vois se gratter la tête, ce qui, en toutes les langues gestuelles du monde, mène à quelques questions incertaines, et à des réponses qui ne le sont pas moins. Arrive le temps de déjeûner pour tout le monde. Le chum occupe courageusement l'atelier désert, et nous, la petite salle d'attente transformée en réfectoire de fortune.



Finalement, dans l'après-midi bien avancée, Gary Gagnon, le manager, vient nous annoncer que tout est OK. En fait ils n'ont pas trouvé de panne bien définie, mais toute une série de défauts qui, s'additionnant, causaient un trouble majeur, et avaient commencé à faire fondre un conducteur. Les relais sont corrects, mais ils ont dû remplacer le câble d'alimentation principal par un plus gros, supprimer des circuits inutiles, resserrer des fixateurs de fusibles. Ils nous signalent de plus que la courroie de l'accumulateur leur semble desserrée, mais qu'ils préfèrent ne pas la modifier pour que le test de leurs activités soit plus valable.



Un grand remerciement à Gary Gagnon. Mieux encore, la facture est d'autant plus correcte qu'il ne fait même pas payer le travail de vendredi de ses deux ouvriers. Il y en a qui pourraient en prendre de la graine. Suivez mon parcours!!!

 

La fin de la journée est proche, et, vous savez quoi? Nous retournons à notre petit lac de Sabatus où nous sommes si bien installés. Demain nous profiterons des grands magasins locaux pour faire un bon plein de courses. Et après...



La suite au prochain numéro.









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  • Pierre-François GHISONI
  • la littérature en partage
L'homme avant les termites
L'idéal sans l'idéologie
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