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18 septembre 2009 5 18 /09 /septembre /2009 16:54


Cela fait quelques jours que je remarque un charmant monsieur se rendre sur son petit voilier amarré dans le port. Il utilise un kayak gonflable d'un modèle qui m'intéresse. Je le questionne à ce sujet, et de fil en aiguille nous abordons tranquillement les grands problèmes du monde. J'aime son regard tranquille et ferme, ses convictions honnêtes, quelque peu idéalistes, et son ouverture d'esprit qui le pousse aussi vers des rives artistiques inattendues. Le temps ne pouvant nous jouer trop longtemps un aussi mauvais tour se découvre peu à peu. Alan scrute les nuages, et un matin, il frappe à notre porte: "vous venez faire un tour en mer?". Autant demander à un poisson. C'est parti, avec soleil en prime.



Nous embarquons dans le petit voilier de six mètres cinquante qui se dirige maintenant vers le large, nous procurant tout ensemble un beau plaisir et une leçon d'anglais maritime: il vaut mieux savoir ce que dit le commandant. Celui-ci est tout patience et observation. L'air de rien, il sait rectifier un geste, montrer sa connaissance des lieux, tout en poursuivant nos conversations. Nous doublons le cap de Owl's head, qui m'avait inspiré quelques vers la semaine précédente. Mais aujourd'hui la brume a laissé place au soleil. Une pensée cependant pour les anciens gardiens et le bon chien Spot. Maintenant nous nous dirigeons vers North Haven, que nous atteindrons en près de trois heures. Le trajet est ponctué de bouées repérant les casiers à homards. Leur multiplicité a amené Alan à changer son moteur d'origine pour un hors-bord qu'il relève pour éviter toute prise de corde dans l'hélice. De toutes façons, Alan est un pur de la voile, et j'en aurai la preuve par la suite.



North Haven offre le paysage d'un beau chenal traversant des rives surélevées sur lesquelles de merveilleuses maisons offrent leurs façades quasi cinématographiques. Nous évoluons tranquillement entre les bouées et les bateaux. Alan m'explique qu'avec du temps nous pourrions avancer, et faire le tour des îles. Avec du temps... Bref, l'eau à la bouche... Mais, à rebrousser chemin, nous ferons face au vent et à la marée. Qu'à cela ne tienne. L'équipage est paré et le capitaine connait son affaire. Il faut le voir nous mener dans cet espace restreint, en limite des bateaux et des hauts fonds, et, presqu' à toucher, nous faire virer de bord. Une fois, deux fois, dix fois, et plus encore, nous recommencerons, finissant par considérer comme normal ce petit jeu où la moindre fausse manœuvre pourrait, à tous les sens, mal tourner.



C'est le retour. Le vent fraîchit, nous obligeant à ce petit air penché et humidifié qui est le propre de tout voilier trouvant son élément naturel. Là encore, quelques bords seront nécessaires pour doubler le cap, mais nous avons toute la place. Une broutille...



Au port, Alan poussera le jeu jusqu'à aborder la bouée à la seule voile: un petit exercice que les plaisanciers apprécieront, et que tous les ports n'autorisent pas.


Une bonne collation dans le camion sera notre récompense à tous les trois. Alan nous quitte. Il reviendra naviguer dans deux jours, et nous serons partis. Mais qu'importe! Nous avons fait mieux qu'aller sur l'eau, nous avons empli notre sac à rêves, et je sais qu'Alan poursuit les siens, au piano, lorsqu'il joue "la Fille aux cheveux de lin", devant ses tableaux, en amoureux de Rouault, ou au cours de ses pérégrinations marines. Mais quoi de plus normal, pour ce jeune homme de quatre-vingts ans!

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  • Pierre-François GHISONI
  • la littérature en partage
L'homme avant les termites
L'idéal sans l'idéologie
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