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23 octobre 2010 6 23 /10 /octobre /2010 10:13

 

LMM-CO.jpg

 

Avec le Mange-misères, Lettropolis publie la suite des Bruyères rouges. Nous y retrouvons les personnages précédents, les conflits de personnes, et nous plongeons dans l'immédiate après-guerre, qui entraîna les profondes modifications que l'on sait. En ce sens, il y a suite.

 

Mais s'agit-il vraiment d'une suite, dans la mesure où, l'auteur, en sa biographie littéraire, précise combien le mécanisme d'écriture en est différent. Les brumes des souvenirs ont fait place à l'imaginaire. On pourrait dire que le temps a changé, et chacun y verra, soit d'autres brumes qui ont succédé aux premières, soit une éclaircie.

 

Les lecteurs attentifs remarqueront qu'à cette occasion, les dialogues, toujours aussi présents, perdent progressivement leur "couleur locale", au moins pour les personnages principaux, qui évoluent en un monde nouveau. Les anciens (Dutoit, Boncœur, le père Lexandre) gardent leurs tournures, leur accent.

La lecture de ce texte peut s'effectuer à différents niveaux. Celui du plaisir est fondamental, c'est-à-dire qu'il apparaît en première et dernière analyse. Mais il n'est pas interdit de l'enrichir en essayant de le lire à voix haute, de l'"oraliser", d'entendre comment la génération d'Alain, prend ses distances par rapport aux précédentes, tout en ne les reniant pas, tout en insistant (cf le dernier chapitre) sur les nécessités de transmettre un esprit à travers le temps qui passe, car d'autres générations sont arrivées. Mais il faudrait qu'elles ne perdent pas de vue le plaisir d'une promenade avec la Gigolette, promenade qui dépasse le cadre trop simple de l'exubérance enfantine pour atteindre celui des souvenirs qui construisent une vie.

 

C'est aussi cela, la dimension du dialogue dans une œuvre : au prix de certaines concessions au classicisme du bien-écrit, faire vibrer des sons, et aussi des images, sur un autre registre. En ce sens Michel Jacob était particulièrement bien placé pour réussir son but. Il sait de quoi et de qui il parlait. Il sait comment il a pu ne pas être son héros. Il sait donc ce qu'il a posé comme enjeu de sa vie en ses lignes. Les mécanismes de création d'une œuvre sont ici parfaitement démontrés par ce mélange subtil entre la vie propre et l'imaginaire. Les philosophes, les spécialistes des sciences de la vie, tant chez les hommes que chez les animaux, travaillent à déchiffrer cette énigme, cette "dramatique du corps-soi" pour reprendre une expression chère à Yves Schwartz, qui déborde vers le cadre du travail de la vie.

 

Il est possible que cette approche ne satisfasse ni un critique littéraire professionnel, ni un comportementaliste pur et dur. Je préfèrerais même qu'il en fût ainsi, me positionnant à mi-chemin pour en découvrir de nouvelles perspectives. Mais également, ainsi éclairé, nos lecteurs comprendront mieux pourquoi ce texte, ce deuxième volet de la saga des Bruyèrons, par sa polarité imaginaire, méritait sa place en notre olnithèque. Ils en tireront grand plaisir.

 

LMM-CO.jpgLe Mange-Misères est publié par LETTROPOLIS www.lettropolis.fr

580 pages 4 euros


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  • Pierre-François GHISONI
  • la littérature en partage
L'homme avant les termites
L'idéal sans l'idéologie
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