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2 avril 2010 5 02 /04 /avril /2010 06:58

Avons-nous en France la littérature que nous méritons ? À mon avis, oui et c'est la raison pour laquelle je préfère me replonger avec ferveur dans Sophocle plutôt que de me vautrer dans la littérature engagée à sens unique.

 

Et pourtant, quel théâtre nous offre l'information quotidienne, pour peu qu'on veuille bien en tirer la substantifique et vénéneuse moelle! Car rien n'y manque. Nul besoin d'imagination, pour trouver les personnages. Ils sont déjà là. Il suffirait juste de les exposer selon les règles du genre, de montrer leur humanité profonde.

 

Oui, nul besoin d'imagination puisque, l'imagination est au pouvoir, comme le souhaitaient les extrémistes de 68.

 

Les uns ont imaginé de régner en caïds sur des cités, ils y sont au pouvoir. D'autres ont imaginé de régner sur les ors de l'Élysée, ils y ont pris le pouvoir. D'autres encore ont imaginé de se draper dans la dignité du maire outragé et accusateur, ils en ont le pouvoir. Certains ont voulu montrer la réalité qui dérange, ils en ont eu le pouvoir, enfin, celui délégué par les "grands frères". Des experts en communication ont imaginé de fabriquer pour un ministre une sortie qui tonne, ils en ont eu le pouvoir. Un ministre a imaginé de faire trois petits tours et puis de s'en aller, il en a le pouvoir, sans même le courage d'une démission préfectorale. Des grévistes ont imaginé de faire sauter une usine, ils en ont le pouvoir. Une masse d'esclaves de la pensée a imaginé de passer de match en match, elle en a le pouvoir. Un groupe de ras du neurone a imaginé de drainer des foules vers une ferme débilitante, il en a le pouvoir. Une foule de jeunes ivrognes en puissance a imaginé d'investir la place publique d'une grande ville, elle en a le pouvoir. Des foules ont imaginé de franchir des frontières en toute illégalité, elles en ont le pouvoir. Des enseignants ont imaginé de supprimer la discipline, ils en ont eu le pouvoir. Un ministre a imaginé de commander près de cent millions de doses de vaccin, il en a le pouvoir. Un président a imaginé de supprimer l'armée de conscription qui participait à la création d'un esprit social commun, il en a eu le pouvoir.

 

N'insistons pas! L'imagination est au pouvoir, c'est un fait. Et pourtant chacun de ces personnages, y compris les pires, est pétri d'humanité, est capable de justifier ses actes, et même de les poursuivre avec persévérance. Et gare à celui qui s'y opposera, le bon sauvage de Rousseau saura lui montrer de quel bois il le chauffera.

 

Oui, nous n'avons pas la littérature qui plongera dans cette humanité, qui en fouillera les tréfonds, qui explorera ses abîmes, qui osera dire, non seulement que le roi est nu, ce qui est encore simple, mais qu'il est faible et sale, mais que ses courtisans s'engraissent, que le cortège pue le cadavre, et que la foule veut danser et s'en repaître, que l'homme est doué d'une extraordinaire machine à exploiter les failles du navire, quitte à le faire craquer, quitte à le faire sombrer, que sa jouissance extrême est peut-être de participer à son naufrage, ou plus encore d'en être l'auteur.

 

Sardou doit remonter sur les planches. Que chantait-il, il y a des années?  "Ne m'appelez plus jamais France"...

 

 

 

 

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commentaires

L
<br /> Bonjour PFG,<br /> <br /> ah, si jeunesse savait, et si sagesse pouvait. Nous n'avons plus de pouvoir que de nous indigner sur ces supports virtuels en espérant qu'un jeune ne nous lise et embraye dans cette direction dont<br /> nous ne serions que le directeur virtuel. Sur Agoravox par exemple, depuis cinq ans que j'y travaille, j'y ai vu la mutation complète des jeunes attirés par la force des textes, au point que bien<br /> des auteurs ont rangé depuis les armes et disparus. Ils ont le pouvoir ces jeunes éclairés et revanchards, certes, mais auront-ils la force de renverser la vapeur et sauver leur liberté...?<br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> La question n'est pas tant celle des supports virtuels, dont l'imagination n'est qu'un aspect, mais le manque de support vertueux.<br /> <br /> <br /> <br />
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<br /> l'imagination doit rester ce qu'elle est: un moteur. Peut-on imaginer un moteur au pouvoir sans personne pour le contrôler ? C'est UBU roi ! Merdre alors ! Elle n'est qu'un moteur, à crottin,<br /> diesel, atomique, linéaire, qu'importe: l'essentiel est d'avancer mais pas n'importe comment: n'est ce pas l'une des définitions du concept civilisation ?<br /> <br /> <br />
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1
<br /> en lisant votre phrase d'introït je voyais une autre chute, un tantinet plus rabelaisienne...Je vais retourner mettre mon nez dans votre prose<br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> Mais Rabelais n'est pas loin. Il suffit de développer quelque peu les images, et de rire.<br /> <br /> <br /> <br />

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  • Pierre-François GHISONI
  • la littérature en partage
L'homme avant les termites
L'idéal sans l'idéologie
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