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1 janvier 2010 5 01 /01 /janvier /2010 08:45

 

Cet article, le premier de l'an de grâce 2010, se doit d'exprimer certains vœux, tradition oblige. Nous en recevrons tous, et nous en enverrons. Le mot bonheur reviendra souvent dans ces messages – j'y souscris, philosophie oblige – puisqu'il s'agit du fameux souverain bien.

 

Mais le bonheur est à l'horizon, ou tout au moins, il est à l'homme ce que l'horizon est au navigateur et au rêveur: un repère inaccessible. Pour ne pas mettre en péril ces deux aspects du voyage, celui du corps et celui de l'esprit, il faut aussi se préoccuper de savoir où l'on pose ses pieds, c'est-à-dire, selon la sagesse des nations, balayer devant sa porte, et ré-apprendre que « chacun son métier et les vaches seront bien gardées ». Il y a là une forme d'intelligence qui participe, sinon du bonheur, du moins du respect de soi-même qui pose un peu mieux la question du respect de l'autre que les grands délires à la sauce humanitaire qui font vendre du papier qu'en d'autres temps on aurait destiné aux petits coins.

 

Or, puisque la première voix radiotransmise est celle de Jean-François Kahn qui utilise le mot « scandale » à propos de la béatification d'un pape, j'en déduis que la question du bonheur sera reportée à l'an prochain, mais que celle de l'outrecuidance et de la kahnerie est toujours à l'ordre du jour. J'en déduis aussi qu'une certaine forme de guerre qui n'ose pas dire son nom n'est pas près de s'éteindre.

 

Alors, guerre pour guerre, je préfère celle dans laquelle s'investit Djemila Benhabib, une femme qui montre le courage qui manque au crâne d'œuf précédent. C'est pourquoi je reprends in extenso sa lettre lue le 13 décembre dernier au Palais du Luxembourg, lors de la journée « Femmes debout », organisée par Femmes solidaires et la Ligue du droit international des femmes. Non pas que je soutienne tous ses arguments, mais entre le courage debout et la fausseté couchée, le choix est vite fait.

 

In extenso, signifie aussi, fondement français oblige, que je retranscrive quelques fautes d'orthographe, mais surtout que j'apprécie le jeu de mots suggéré par la double orthographe possible d'un terme – je vous laisse chercher lequel – à partir de celle utilisée par l'auteur (sans e).

 

Que l'esprit français ne perde pas le goût du sel attique.

 

Bonne année de guerre 2010!

 

 

Mesdames les sénatrices, Mesdames les présidentes, Mesdames et messieurs les dignitaires,
>
>
>  Chers amis,
>
>
>  Merci mille fois de ce grand honneur que vous me faites,
>  aujourd'hui, de me consacrer parmi les Femmes debout et
>  de permettre à ma voix, celle d'une femme de culture
> musulmane féministe et laïque de résonner dans cette
>  prestigieuse institution de la République. Merci à vous,
>  mes amies de Femmes solidaires et de la Ligue du droit
>  international des femmes pour votre travail acharné,
>  permanent et indispensable que ce soit dans les
>  quartiers, auprès des femmes victimes de violences et
>  discriminations, des sans papiers ou encore au sein des
>  politiques et des instances onusiennes. C'est dire que
>  c'est ici, localement que prend racine le travail pour
>  les droits des femmes pour se répercuter à l'échelle
>  internationale. C'est dire aussi que la Marche des
>  femmes pour la liberté et l'égalité est une et
>  indivisible. Lorsqu'une femme souffre dans un quelconque
>  endroit de la planète, c'est notre affaire à toutes et à
>  tous. Merci de nous faire sentir de mille façons que
>  nous sommes les maillons d'une même chaîne.
>  Voilà encore quelques années, je n'aurais jamais imaginé
>  que ma vie de femme, que ma vie de militante serait si
>  intimement liée au féminisme et à la laïcité.

>  Je vous surprendrai peut-être en vous avouant que je ne
>  suis pas devenue féministe en tournant les pages
>  du /Deuxième Sexe/, ni en me plongeant dans ce
>  magnifique roman d'Aragon /Les Cloches de Bâle/, où il
>  était question entre autres de Clara Zetkin et de Rosa
>  Luxembourg, deux figures de proue du féminisme et de la
>  paix dans le monde.
>
>  Je ne suis pas devenue laïque en m'abreuvant de Spinoza,
>  de Ibn Al-Arabi, de Descartes, de Ibn Khaldoun, ou de
>  Voltaire, mon maître. Absolument pas.
>
>  J'aurais pu tourner mon regard ailleurs pour me perdre
>  dans cette enfance si heureuse que j'ai eue dans une
>  famille généreuse, cultivée, ouverte sur le monde et sur
>  les autres, profondément engagée pour la démocratie et
>  la justice sociale. J'aurais pu m'égarer dans la beauté
>  de cette ville qu'est Oran où il faisait si bon vivre au
>  bord de la mer. Cette ville qui a propulsé la carrière
>  littéraire d'Albert Camus, avec son célèbre roman /La
>  peste/, jusqu'au Nobel de littérature. J'aurais pu ne
>  rien voir, ne rien entendre des brimades, du mépris, des
>  humiliations et des violences qu'on déversait sur les
>  femmes. J'ai choisi de voir et d'écouter d'abord avec
>  mes yeux et mes oreilles d'enfant. Plus tard, j'ai
>  choisi de dire les aspirations de toutes ces femmes qui
>  ont marqué ma vie pour que plus jamais, plus aucune
>  femme dans le monde, n'ait honte d'être femme.
>  Pour vous dire vrai, à l'enfance et surtout à
>  l'adolescence, je n'ai jamais rêvé de mariage, de prince
>  charmant, de robe longue, de grande maison, d'enfants et
>  de famille. Les quelques mariages auxquels j'avais
>  assisté, en Algérie, me faisaient sentir que la femme
>  était un objet bien plus qu'un sujet. Inutile de vous
> préciser que ma perspective était ultraminoritaire, car
>  les femmes sont formatées à devenir des épouses puis des
>  mères dès l'enfance. Je devais avoir, quoi, cinq, six,
>  peut-être sept ans tout au plus, lorsqu'on me somma de
>  rejoindre ma grand-mère dans la cuisine, car ma place
>  naturelle était à mi-distance entre les fourneaux et la
>  buanderie, de façon à pouvoir faire éclater mes talents
>  de cuisinière et de ménagère le moment venu.
>
>  En 1984, l'Algérie adopte un code de la famille inspiré
>  de la charia islamique. J'ai 12 ans à cette époque.
>  Brièvement, ce code exige de l'épouse d'obéir à son mari
>  et à ses beaux-parents, permet la répudiation, la
>  polygamie, destitue la femme de son autorité parentale,
>  permet à l'époux de corriger sa femme et en matière
>  d'héritage comme de témoignage, l'inégalité est érigée
>  en système puisque la voix de deux femmes équivaut à
>  celle d'un homme tout comme les parts d'héritage.
>
>
 Question : L'Algérie est-elle devenue musulmane en 1984 ?
>

>  Réponse : Je vous la donnerai pendant le débat tout à
>
 l'heure si vous le souhaitez.
>
>  Pour ce qui est de la laïcité, j'ai compris sa nécessité
>  lorsque, au tout début des années 1990, le Front
>  islamique du salut (FIS) a mis à genoux mon pays
>  l'Algérie par le feu et par le sang en assassinant des
>  milliers d'Algériens. Aujourd'hui, on est forcé de
>  constater que les choses n'ont pas tellement changé.
>
>  Trop de femmes dans le monde se font encore humilier,
>  battre, violenter, répudier, assassiner, brûler,
>  fouetter et lapider. Au nom de quoi ? De la religion, de
>  l'islam en l'occurrence et de son instrumentalisation.
>  Pour refuser un mariage arrangé, le port du voile
>  islamique ou encore pour avoir demandé le divorce, porté
>  un pantalon, conduit une voiture et même avoir franchi
> le seuil de la porte sans la permission du mâle, des
>  femmes, tant de femmes subissent la barbarie dans leur
>  chair. Je pense en particulier à nos sœurs iraniennes
>  qui ont défilé dans les rues de Téhéran pour faire
>  trembler l'un des pires dictateurs au monde :
>  Ahmadinejad. Je pense à *Neda*, cette jeune Iranienne
>  assassinée à l'âge de 26 ans. Nous avons tous vu cette
>  image de Neda gisant sur le sol, le sang dégoulinant de
>  sa bouche. Je pense à *Nojoud Ali*, cette petite
>  Yéménite de 10 ans, qui a été mariée de force à un homme
>  qui a trois fois son âge et qui s'est battue pour
>  obtenir le droit de divorcer. et qui l'a obtenu. Je
>  pense à*Loubna Al-Hussein* qui a fait trembler le
>  gouvernement de Khartoum l'été dernier à cause de sa
>  tenue vestimentaire..
>
>  La pire condition féminine dans le globe, c'est celle
>  que vivent les femmes dans les pays musulmans. C'est un
> fait et nous devons le reconnaître. C'est cela notre
>  première solidarité à l'égard de toutes celles qui
>  défient les pires régimes tyranniques au monde. Qui
>  oserait dire le contraire ? Qui oserait prétendre
>  l'inverse ? Les islamistes et leurs complices ?
>  Certainement.mais pas seulement.
>
>  *Il y a aussi ce courant de pensée relativiste qui
>  prétend qu'au nom des cultures et des traditions nous
>  devons accepter la régression, qui confine l'autre dans
>  un statut de victime perpétuelle et nous culpabilise
>  pour nos choix de société en nous traitant de racistes
>  et d'islamophobes lorsque nous défendons l'égalité des
>  sexes et la laïcité.
C'est cette même gauche qui ouvre
> les bras à Tarik Ramadan pour se pavaner de ville en
> ville, de plateau de TV en plateau de TV et cracher sur
> les valeurs de la République.*
>

>  Sachez qu'il n'y a rien dans ma culture qui me
>  prédestine à être éclipsée sous un linceul, emblème
>  ostentatoire de différence. Rien qui me prédétermine à
>  accepter le triomphe de l'idiot, du sot et du lâche,
>  surtout si on érige le médiocre en juge. Rien qui
>  prépare mon sexe à être charcuté sans que ma chair en
>  suffoque. Rien qui me prédestine à apprivoiser le fouet
>  ou l'aiguillon. Rien qui me voue à répudier la beauté et
>  le plaisir. Rien qui me prédispose à recevoir la
>  froideur de la lame rouillée sur ma gorge. Et si c'était
>  le cas, je renierais sans remords ni regret le ventre de
>  ma mère, la caresse de mon père et le soleil qui m'a vu
>  grandir.
>
>  L'islamisme politique n'est pas l'expression d'une
>  spécificité culturelle, comme on prétend ça et là. C'est
>  une affaire politique, une menace collective qui
>  s'attaque au fondement même de la démocratie en faisant
>  la promotion d'une idéologie violente, sexiste,
> misogyne, raciste et homophobe.
>
>  Nous avons vu de quelle façon les mouvements islamistes,
>  avec la complicité, la lâcheté et le soutien de certains
>  courants de gauche cautionnent la régression profonde
>  qui s'est installée au cour même de nos villes. Au
>  Canada, nous avons tout de même failli avoir les
>  tribunaux islamiques. En Grande-Bretagne c'est déjà la
>  norme dans plusieurs communautés. D'un bout à l'autre de
>  la planète, le port du voile islamique se répand et se
>  banalise, il devient même une alternative acceptable aux
>  yeux de certains car c'est tout de même mieux que la burqa!
>
>  Que dire de la démission des démocraties occidentales
>  sur des enjeux primordiaux à la base du vivre-ensemble
>  et de la citoyenneté tels que la défense de l'école
>  publique, des services publics et de la neutralité de l'État ?
>
>  
Que dire des reculs en matière d'accessibilité à
>
 l'avortement ici même en France ?
>
>  Tout ça pour dire qu'il est toujours possible de faire
>  avancer les sociétés grâce à notre courage, notre
>  détermination et à notre audace. Je ne vous dis pas que
>  ce sont là des choix faciles. Loin de là. Les chemins de
>  la liberté sont toujours des chemins escarpés. Ce sont
>  les seuls chemins de l'émancipation humaine, je n'en connais pas d'autres.
>
>  Cette merveilleuse page d'histoire, de NOTRE histoire,
>  nous enseigne que subir n'est pas se soumettre. Car
>  par-delà les injustices et les humiliations, il y a
>  aussi les résistances. Résister, c'est se donner le
>  droit de choisir sa destinée. C'est cela pour moi le
>  féminisme. Une destinée non pas individuelle, mais
>  collective pour la dignité de TOUTES les femmes. C'est
>  ainsi que j'ai donné un sens à ma vie en liant mon
>  destin de femme à tous ceux qui rêvent d'égalité et de
>  laïcité comme fondement même de la démocratie.
>  L'histoire regorge d'exemples de religions qui débordent
>  de la sphère privée pour envahir la sphère publique et
>  devenir la loi. Dans ce contexte, les femmes sont les
>  premières perdantes. Pas seulement. La vie, dans ses
>  multiples dimensions, devient soudainement sclérosée
>  lorsque la loi de Dieu se mêle à la loi des hommes pour
>  organiser les moindres faits et gestes de tous. Il n'y a
>  plus de place pour les avancées scientifiques, la
>  littérature, le théâtre, la musique, la danse, la
>  peinture, le cinéma, bref la vie tout simplement. Seuls
>  la régression et les interdits se multiplient. C'est
>  d'ailleurs pour ça que j'ai une aversion profonde à
>  l'égard des intégrismes quels qu'ils soient, car je suis une amoureuse de la vie.
>
>  Rappelez-vous une chose : lorsque la religion régit la
>  vie de la cité, nous ne sommes plus dans l'espace du
>  possible, nous ne sommes plus dans le référentiel des
>  doutes, nous ne sommes plus dans le repère de la Raison
>  et de la rationalité si chères aux Lumières. Séparer
>  l'espace public de l'espace privé en réaffirmant la
>  neutralité de l'État me semble indispensable, car seule
>  la laïcité permet de se doter d'un espace commun,
>  appelons-le un référentiel citoyen, loin de toutes
>  croyances et de toutes les incroyances, pour prendre en
>  main la destinée de la cité. Avant de conclure,
>  permettez-moi de partager avec vous une lettre destinée à l'un de vos élus.
>
>  J'ai longuement hésité avant de vous écrire. Peut-être,
>  par peur d'être perçue comme celle venue d'ailleurs qui
>  fait indélicatement irruption dans les « affaires
>  françaises ». Au diable les convenances, je n'ai jamais
>  été douée pour la bienséance surtout lorsqu'elle est au
>  service des plus forts, des plus puissants et des plus
>  arrogants. Puis, s'il avait fallu que je vive en
>  fonction du regard des autres, je n'aurais rien fait de
>  ma vie ou si peu. Lorsqu'il s'agit des droits des
>  femmes, nulle convenance ne doit primer sur l'essentiel.
>  L'essentiel étant : la liberté, l'égalité et
>  l'émancipation des femmes. J'entends encore des copines
>  françaises me dirent avec insistance : parle-lui,
>  dis-lui, écris-lui. Étrangement, leurs propos me
>  rappellent le titre de ce magnifique film
>  d'Almodovar /Parle avec elle/ où dès les premiers
>  instants, le rideau se lève furtivement, pendant
>  quelques secondes, sur un spectacle de danse, mettant en
>  scène le corps d'une femme, celui de Pina Bausch. Elle
>  qui exprimait si bien dans ses chorégraphies crûment la
>  violence exercée à l'encontre des femmes.
>
>  Monsieur Gérin, c'est à vous que je m'adresse, je
>  voudrais vous parler, vous dire la peur que j'ai connu
> le 25 mars 1994 alors que j'habitais à Oran, en Algérie
>  et que le Groupe islamique armé (GIA) avait ordonné aux
>  femmes de mon pays le port du voile islamique. Ce
>  jour-là, j'ai marché la tête nue ainsi que des millions
>  d'autres Algériennes. Nous avons défié la mort. Nous
>  avons joué à cache-cache avec les sanguinaires du GIA et
>  le souvenir de Katia Bengana, une jeune lycéenne âgée de
>  17 ans assassinée le 28 février 1994 à la sortie de son
>  lycée planait sur nos têtes nues. Il y a des événements
>  fondateurs dans une vie et qui donnent une direction
>  particulière au destin de tout un chacun. Celui-là, en
>  est un pour moi. Depuis ce jour-là, j'ai une aversion
>  profonde pour tout ce qui est hidjab, voile, burqa,
>  niqab, tchador, jilbab, khimar et compagnie. Or,
>  aujourd'hui vous êtes à la tête d'une commission
>  parlementaire chargée de se pencher sur le port du voile intégral en France.
>
>
>  En mars dernier, je publiais au Québec, un livre
>  intitulé /Ma vie à contre-Coran/ : une femme témoigne
>  sur les islamistes. Dès les premières phrases, je
>  donnais le ton de ce qu'est devenue ma vie en termes
>  d'engagements politiques en écrivant ceci : « J'ai vécu
>  les prémisses d'une dictature islamiste. C'était au
>  début des années 1990. Je n'avais pas encore 18 ans.
>  J'étais coupable d'être femme, féministe et laïque. » Je
>  dois vous avouer que je ne suis pas féministe et laïque
>  par vocation, je le suis par nécessité, par la force des
>  choses, par ces souffrances qui imprègnent mon corps car
>  je ne peux me résoudre à voir l'islamisme politique
>  gagner du terrain ici même et partout dans le monde. Je
>  suis devenue féministe et laïque à force de voir autour
>  de moi des femmes souffrir en silence derrière des
>  portes closes pour cacher leur sexe et leur douleur,
>  pour étouffer leurs désirs et taire leurs rêves.
>
>  Il fut un temps où on s'interrogeait en France sur le
>  port du voile islamique à l'école. Aujourd'hui, il est
>  question de voile intégral. Au lieu d'élargir la portée
>  de la loi de 2004 aux établissements universitaires,
>  nous débattons sur la possibilité de laisser déambuler
>  dans nos rues des cercueils. Est-ce normal ? Demain,
>  peut-être c'est la polygamie qui sera à l'ordre du jour.
>  Ne riez pas. Cela s'est produit au Canada et il a fallu
>  que les cours (de justice) s'en mêlent. Car après tout
>  la culture à bon dos lorsqu'il s'agit d'opprimer les
>  femmes. Ironie du sort, j'ai constaté dans plusieurs
>  quartiers que les jupes se rallongent et disparaissent
>  peu à peu. La palette des couleurs se réduit. Il est
>  devenu banal de camoufler son corps derrière un voile et
>  porter une jupe, un acte de résistance. C'est tout de
>  même une banlieue française qui est le théâtre du
>  film /La Journée de la jupe./ Alors que dans les rues de
>  Téhéran et de Khartoum, les femmes se découvrent de plus
>  en plus, au péril de leur vie, dans les territoires
>  perdus de la République française, le voile est devenu la norme.


Que se passe-t-il ? La France est-elle devenue malade ?
>  Le voile islamique est souvent présenté comme faisant
>  partie de « l'identité collective musulmane ». Or, il
>  n'en est rien. Il est l'emblème de l'intégrisme musulman
>  partout dans le monde. S'il a une connotation
>  particulière, elle est plutôt politique surtout avec
>  l'avènement de la révolution islamique en Iran en 1979.
>  Que l'on ne s'y trompe pas, le voile islamique cache la
>  peur des femmes, de leur corps, de leur liberté et de leur sexualité.
>
>  Pire encore, la perversion est poussée à son paroxysme
>  en voilant des enfants de moins de cinq ans. Il y a
>  quelques temps, j'essayais de me rappeler à quel moment
>  précisément, en Algérie, j'ai vu apparaître ce voile
>  dans les salles de classe. Pendant mon enfance et
>  jusqu'à mon entrée au lycée, c'est-à-dire en 1987, le
>  port du voile islamique était marginal autour de moi. À
>  l'école primaire, personne ne portait le hidjab, ni
>  parmi les enseignants, ni surtout parmi les élèves.
>
>  Voilà 12 ans que j'habite au Québec dont la devise
>  inscrite sur les plaques d'immatriculation des voitures
>  est « Je me souviens ». A propos de mémoire, de quoi la
>  France devrait-elle se souvenir ? Quelle est porteuse
>  des Lumières. Que des millions de femmes se nourrissent
>  des écrits de Simone de Beauvoir dont le nom est
>  indissociable de celui de Djamila Boupacha. C'est peu
>  dire. Il ne fait aucun doute pour moi que la France est
>  un grand pays et ceci vous confère des responsabilités
>  et des devoirs envers nous tous, les petits. C'est
>  d'ailleurs pour cela qu'aujourd'hui, tous les regards
>  sont tournés vers votre commission et que nous attendons
>  de vous que vous fassiez preuve de courage et de
>  responsabilité en interdisant le port de la burqa.
>
>  Pour notre part au Québec, on se souvient qu'en 1961,
>  pour la première fois dans l'histoire, une femme, une
>  avocate de surcroît, est élue à l'Assemblée législative
>  lors d'une élection partielle. Son nom est Claire
>  Kirkland et elle deviendra ministre. En invoquant un
>  vieux règlement parlementaire qui exigeait des femmes le
>  port du chapeau pour se présenter à l'Assemblée
>  législative, on la force à se couvrir la tête pendant
>  les sessions. Elle refuse. C'est le scandale. Un journal titre : « Une femme nu-tête à l'Assemblée législative ! » Elle résiste et obtient gain de cause.
>
>  Il faut comprendre par là que nos droits sont des acquis
>  fragiles à défendre avec acharnement et qu'ils sont le
>  résultat de luttes collectives pour lesquelles se sont
> engagés des millions de femmes et d'hommes épris de
>  liberté et de justice. J'ose espérer, monsieur
>  Gérin, que la commission que vous présidez tiendra
>  compte de tous ces sacrifices et de toutes ces
>  aspirations citoyennes à travers le monde et les siècles.
>
>  A vous chers amis, s'il y a une chose, une seule, que je
>  souhaiterais que vous reteniez de ces quelques mots,
>  c'est la suivante. Entre une certaine gauche
>  démissionnaire, le racisme de l'extrême droite et le
>  laisser-faire et la complicité des gouvernements nous
>  avons la possibilité de changer les choses, plus encore
>  nous avons la responsabilité historique de faire avancer
>  les droits des femmes. Nous sommes, en quelque sorte,
>  responsables de notre avenir et de celui de nos enfants.
>  Car il prendra la direction que nous lui donnerons.
>  Nous, les citoyens. Nous, les peuples du monde.. Par nos
>  gestes, par nos actions et par notre mobilisation.
> Toutes les énergies citoyennes sont nécessaires d'un
>  pays à l'autre au-delà des frontières. L'avenir nous
>  appartient. La femme est l'avenir de l'homme disait
>  Aragon. S'agissant d'homme, je veux en saluer un présent
>  aujourd'hui, c'est mon père à qui je dois tout.
>
>  Et je finirai par une citation de Simone de Beauvoir : «
>  On a le droit de crier mais il faut que ce cri soit
>  écouté, il faut que cela tienne debout, il faut que cela
>  résonne chez les autres. » J'ose espérer que mon cri aura un écho parmi vous.
>
>
>  
*Djemila Benhabib*
>

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  • Pierre-François GHISONI
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