Convoqué par les Muses, l'homme pourrait se laisser aller à classer les arts en un concours dont la récompense ne serait que discorde et incertitude. Les filles de Zeus et Mnémosyne n'ont point de leçon à recevoir pour se parer de leurs plus beaux atours, et en appeler au témoignage de leurs hérauts. Nous laisserons à Pâris, en d'autres lieux et pour d'autres satisfactions, la responsabilité d'une telle provocation, si l'envie le reprenait.
Mais j'en ose une autre, portant un autre regard sur l'écrivain et l'architecte. Car le papier et la pierre construisent l'homme pour autant que l'homme les marque de son génie, cet art profond de soi-même frotté à l'infini de la nature.
L'écrivain et l'architecte portent en eux le dépassement obligatoire des besoins fondamentaux de l'humanité que sont la transmission et l'abri. Ils ne peuvent se laisser aller à l'éphémère de "l'art pour l'art". Quel que soit l'ordre de leurs priorités, cette obligation de bâtir un abri, d'y poser un toit, de porter à la connaissance de l'autre ses réussites et ses espoirs, ses échecs, ses alliances et ses combats, de s'adresser à l'incommensurable comme à l'ombre qui passe, est l'apanage de ces alliés étonnants de la pierre et du papier.
Ainsi réunis, ces démiurges osent poser les lois de la cité, cité des hommes, cité des Dieux, parfois réduites en normes pratiques, parfois lancées en un délire mystique. Ils ne peuvent, ils ne doivent pas se limiter à hanter les catacombes des mystères interdits. Ils doivent oser la lumière, déchirer les ténèbres, chercher d'autres flambeaux, et le poser fièrement devant leurs œuvres.
Alors, malheur à qui brouillonne ce devoir des hommes! Malheur au peuple qui refuse cette cristallisation de soi-même, ce devoir de grandeur éternellement relancé! Malheur à qui, empruntant ces chemins de vie, maudit ses prédécesseurs et se vautre dans le désordre de la mort grouillante.