Donc, le combat est lancé : d’un côté, magistrats en grève, ou en non-séances (au choix du vocabulaire) et soutien policier ; de l’autre un président prêt à dégainer une loi comme d’autres cowboys leurs inépuisables révolvers à six coups. Au milieu, l’enjeu – et d’une certaine façon l’initiateur et presque arbitre – un débile assassin au casier judiciaire chargé de 13 condamnations. Les superstitieux apprécieront.
Il existe plusieurs visions de ce match. L’une rejoint la chronique d’Éric Zemour en fin de semaine : la ballet bien réglé entre droite et gauche où chacun tient son rôle d’indigné professionnel pour éviter d’orienter le public sur la question de fond : le manque de places de prison en France. Débat truqué, donc, redondant en références obligées à la déesse Démocratie. Et les guignols de la bande (serait-ce un hommage inconscient de leur part ?) rentrent dans leurs boîtes jusqu’à la prochaine séance.
Il existe une deuxième lecture médiocrement politicienne. Les élections de 2012 approchant, le thème du président justicier occupant le terrain peut aider à faire recette. Je ne m’y étendrai pas, justement à cause de son fumet aigre de mauvaise soupe électorale.
Il en est une troisième qui doit être évoquée. La séquence pourrait être la suivante :
- Dans un premier temps, le président, en tant qu’homme, est sentimentalement bousculé, dépassé, par cette tuerie-boucherie, ce crime doublé d’un démembrement nauséabond.
- Dans un deuxième temps, le président, qui n’accepte pas de se remettre en cause, cherche les responsabilités au seul niveau des exécutants de la politique judiciaire.
- Dans un troisième temps, le candidat ludionique est repris par ses démons habituels, joue le jeu de la surenchère verbale et légiférante, bien adapté en cela au fond de commerce des politicards à la française.
Il apparaît nettement que je penche pour cette troisième lecture qui associe l’homme et le président dans cette reprise des pires défauts de notre monde contemporain :
- les sentiments réels (part de la richesse humaine) dépassés par le sentimentalisme débridé à tendance gueularde (c’est le fameux Indignez-vous dont on n’a pas fini de supporter les dégâts).
- la tendance infantile de la justification à tout prix : c’est pas moi, c’est l’autre crient d’une même voix le gamin aux mains pleines de confiture et le politicard français dans la mélasse.
- le non-respect de sa propre fonction de chef qui ne prend pas ses propres responsabilités dans une affaire portée sur le plan national.
- la partie productive de la schizophrénie légaliste qui consiste à rajouter une nouvelle loi sans faire appliquer les actuelles.
Et pourtant... n’est-ce pas le même président qui dénonçait, de ce ton si pénétré, le « fatras des lois » ? J’avais relevé cela dans un de mes articles. C’était là parole sensée, et même, avec une touche d’optimisme, un embryon de réflexion élaborée. Patatras ! Il aura suffi d’un débile meurtrier pour que le château de cartes du discours présidentiel s’effondre.
Fin de la première partie