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27 octobre 2009 2 27 /10 /octobre /2009 15:44

 

Je viens de lire « Syngué sabour » d’Atiq Rahimi, ouvrage dont l’action se passe « quelque part en Afghanistan ou ailleurs ». J’aimerais avoir plus de renseignements sur N.A. cette « poétesse afghane sauvagement assassinée par son mari » dont il est fait mention en page de mémoire, et peut-être plus encore sur cette sauvagerie rajoutée à l’assassinat. Il est peut-être intéressant de pointer cet adverbe pour en déduire des sous-entendus relatifs à la compréhension du texte. Mais au fond, il peut être tout aussi intéressant de revenir à notre littérature, et de la parodier d’un iota en demandant : « comment peut-on être Afghan ?».

 

Mais ici, stop! Attention au dérapage du socialement obligatoirement correct et des larmes de crocodiles. Car au fond, si des sauvages Afghans trouvent en leur fond commun des motifs d’assassinat que notre société réprouve, il est fort improbable qu’ils rajoutent à leur palmarès ceux de nos campagnes ou de nos « cités » tranquilles. Quant à la douceur de Madame Bovary…

 

Et à propos… cette femme anonyme, à bien y réfléchir, quelle astuce quelle somme d’intelligence pratique, quel machiavélisme pourrait-on dire ! Car une fois passé le stade initiatique, où là encore les sociétés impriment leurs marques qu’elles imposent comme étant les meilleures, il devient évident que l’esprit vient aux jeunes filles, et que la femme orientale, si voilée soit-elle, si prise de liens visibles ou invisibles à nos yeux d’occidentaux, et quelle que soit la prison en laquelle elle est recluse, obéit au premier devoir du prisonnier qui est de s’évader. Et à ce jeu là, elle est de première force, ayant aiguisé son intelligence depuis des siècles, je dirais même doublement aiguisé, une fois en tant que femme éternelle, et une fois en tant que femme orientale. Car elle ira jusqu’à dépasser les limites des barrières sociales locales, poussant le jeu jusqu’au point où le prisonnier s’échappe tout en faisant croire qu’il est toujours prisonnier. Oui, nos habituels maîtres à petit penser ne connaissent aucune des roueries élaborées derrière les conversations anodines, les échanges de gâteaux, les séances au bain maure, les œillades à peine esquissées, le labyrinthe des toits, aussi utile aux fuites clandestines qu’aux complots amoureux. Ignorant les codes, ils défendent la femme musulmane comme d’autres ont  « fait » l’Espagne, en ayant passé deux nuits à l’hôtel. Qu’ils (re)lisent un peu Pierre Loti, les Mille et une nuits, ou qu’ils écoutent les récits des vrais voyageurs !

 

Car, à bien y réfléchir, (sans trop gâcher le plaisir du futur lecteur en racontant l’histoire) cet aveu devant l’homme à la vie incertaine, cette irruption de la pierre de patience, nous appelle vers d’autres horizons. Et pour moi, c’est ainsi que ce livre grandit, non par le discours obligé des féministes obsessionnels, tous sexes confondus, mais par les références qui nous rapprochent, toutes dérivées de cette pierre en laquelle l’homme investit certains de ses secrets les plus profonds.

 

Cette pierre, transmise depuis Adam, offerte à Ismaël, enchâssée dans la paroi du temple de la Mecque, cristallisant les pires moments et les plus grands espoirs de tout homme, cette pierre noire des Musulmans qui tournent autour d’elle lors du « thouaf », avant d’aller lapider (autres pierres) le Chaïtan, cette pierre, donc, si remarquable soit-elle, rejoint la grande galerie minéralogique de nos symboles les plus pesants, les plus denses, qui, par nature des symboles, sont aussi les plus  aériens, les plus ouverts. Et pour ne pas nous éparpiller dans les mythes des pierres délivrant leurs trésors et captivant à tous les sens leurs inventeurs aliénés, revenons à la plus célèbre antanaclase du monde: « tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église… »

 

Cette pierre, propre à bâtir des remparts, ou à se muer en projectile de tous les assauts ou de toutes les défenses, n’en a pas fini de nous étonner, puisqu’elle nous ramène chaque fois à notre propre mystère, à nos craintes et à nos défis. Jusqu'à convoquer les âmes, les forcer à s’investir dans nos formes, les inviter au festin de nos esprits insatiables, et les défier encore, fussent-ils commandeur, ou mari afghan porteur de toutes les malédictions du monde féminin qu’il s’est cru autorisé à défendre en sa prison.

 

Et dire qu’il est des gens un peu « marteau » qui prétendent qu’à casser cette pierre, on sera délivré ! Je fais ici référence à la « quatre de couv’ » qui traditionnellement appartient à l’éditeur. Bof !!! Et double « bof » pour « la nouveau-née » de l’histoire. Á partir de quand et jusqu’où le politiquement correct ne va-t-il pas se nicher? Á moins qu’il ne s’agisse d’une coquille… mais on en tomberait sur le q. 

 

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  • Pierre-François GHISONI
  • la littérature en partage
L'homme avant les termites
L'idéal sans l'idéologie
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